Champ libre

La leçon de courage

Par Anjuna Langevin le 2013/05
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Champ libre

La leçon de courage

Par Anjuna Langevin le 2013/05

Le 22 mars, le Centre d’artistes Vaste et Vague de Carleton accueillait l’installation Fox & friends de l’artiste d’origine iranienne Sayeh Sarfaraz. À priori, l’assemblage, formé de 500 personnages legos et d’une fresque de 2 mètres sur 3 rappelant un jeu de serpents et échelles géant ou une page tirée d’un livre de contes, compose un univers ludique. Le rappel est assez clair pour attirer les enfants de passage, qui viennent, curieux, coller leur nez à la fenêtre de la galerie.

Leurs parents auront un pincement au coeur en s’approchant. Ce qui attend le visiteur, ce n’est ni un jeu vidéo ni une caricature de la guerre, mais une image fixe en trois dimensions qui frappe avec la force d’un dessin d’enfant illustrant une scène d’une violence inouïe. Comme si le pire et le meilleur de l’homme pouvaient être résumés là, par des jouets et de jolies images bien lisses : abus de pouvoir, frein à la liberté d’expression, régime totalitaire, prison, torture, mises à mort sans procès…

On pense aux artistes dissidents chinois Ai Weiwei, Liu Yi, Guo Jian ou aux frères Gao ; ou, en Russie, à Pussy Riot ou à Voïna. Plusieurs d’entre eux ont été (ou sont encore) emprisonnés ou en exil forcé. L’installation de Sarfaraz peut aussi sans doute trouver écho dans les récentes expositions du Musée régional de Rimouski traitant de la guerre. En 2012, Prendre pose_Striking a pose d’Emanuel Licha présentait des images fondées sur des décors urbains de zones de guerre, recréés pour des camps d’entraînement militaire. Encore en place jusqu’au 2 juin, Entrevoir le pire de Louis-Philippe Côté livre une transposition sur toile et des collages réalisés à partir d’images transmises par les médias, en questionnant leur aspect fabriqué et notre perception, réelle ou fictive, des conflits armés lointains, auxquels nous assistons uniquement sur écran.

Le travail de Sayeh Sarfaraz, qui a quitté l’Iran à l’âge de 21 ans, nous fait entrer de plain-pied dans l’horreur de la dictature, sous des dehors quotidiens, empruntant les traits familiers des jouets qui jonchent le sol de notre propre salon. La réalité de la répression devient alors à la fois simple et insoutenable.

Un petit garçon de 4 ans qui a fait le tour de la galerie a suivi une longue file de personnages, bras droit levé, qui semblent sortir d’une fenêtre. Certains portent des capes vertes, d’autres ont un bras en moins, mais tous sont différents. Soudain, ils rencontrent des soldats verts armés de fusils. Un champ de fleurs en plastique dessine un cercle concentrique rouge, puis un blanc. Au centre, un personnage au corps de plastique troué, couché. « Moi je trouve que c’est ici le plus triste », a dit le garçon. Cette phrase est venue d’elle-même, sans aucune explication d’adulte. Incompréhensible, l’art actuel ?

Au mur, une corde à linge de mitraillettes et de têtes de legos, rouges, qui rappellent certains carrés, signes d’un printemps pas encore oublié, très près de nous… Cette installation ne fait pas que dénoncer : 500 personnes marchent, bras levé, au péril de leur vie. Un

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