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La Guerre des Braves et… le silence des agneaux

Par Jacques Bérubé le 2013/03
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La Guerre des Braves et… le silence des agneaux

Par Jacques Bérubé le 2013/03

« Quand l’ordre est injustice, le désordre est déjà un commencement de justice »
– Romain Rolland

Un peu partout au Canada, les Premières Nations se lèvent ! Debout, la position la plus digne pour faire face à l’ennemi. Comme toujours, ils sont peu, ils sont faibles, mais ils sont debout, ensemble, côte à côte, coude à coude.

Les autochtones se lèvent pour faire face à un gouvernement qui non seulement les ignore et les maintient dans un état de pauvreté perpétuelle, mais qui s’affaire aussi à mettre en pièces, en bafouant les règles d’éthique de la démocratie parlementaire, des lois et des règlements qui protégeaient les territoires qui sont les milieux de vie des autochtones, mais aussi des « visages pâles ».

Les Québécois sont réputés pour être, parmi les Canadiens, ceux qui ont le plus à cœur la protection de l’environnement. Le conflit qui oppose la ville de Gaspé à la compagnie Pétrolia – experte au moins autant dans l’exploitation et la production de larmes de crocodiles et de démagogie que de pétrole – démontre bien qu’il y a toujours des gens pour qui le droit citoyen passe avant le développement industriel et financier. Mais, sur d’autres plans…

Trop peu de gens se sont levés, comme l’ont fait les autochtones, pour dénoncer l’affaiblissement – quel euphémisme ! –, de la Loi sur la protection des eaux navigables infligé par les conservateurs de Stephen Harper, lors de l’adoption de la loi omnibus-mammouth-rouleau à asphalte C-45. Avec ces changements, ouvertement pro-industrie et anti-écologistes, seuls 97 lacs et 62 rivières, sur les dizaines de milliers au Canada, seront désormais protégés par la nouvelle loi. Quant aux berges du fleuve et aux fonds marins…

Bienvenue Welcome au buffet all you can eat !

Si l’on peut comprendre la retenue, forcée, de plusieurs scientifiques, à qui le gouvernement fédéral impose une loi du silence lourde comme une chape de plomb, il faut questionner l’absence de prises de position fermes de la part du gouvernement du Québec et des organismes qui ont pour mandat de protéger le territoire contre les gros sabots de l’industrie et ses serviles valets, le gouvernement fédéral en première ligne.

Le silence des agneaux

Ils devraient être debout, dignement, aux côtés des Premières Nations, face à l’ennemi.

En 2008, Richard Desjardins et Robert Monderie, après avoir déplacé les montagnes bureaucratiques et industrielles du monde forestier avec leur documentaire L’Erreur boréale, sorti en 1999, ont malheureusement fait chou blanc avec leur film Le peuple invisible, qui dénonce l’état d’extrême pauvreté dans lequel est maintenu le peuple algonquin, que l’on retrouve principalement en Abitibi. Même si Le Peuple invisible a montré, de façon brute et sans artifice et avec la même verve et la même dialectique documentaire que L’Erreur boréale, la situation des Algonquins du Québec, sédentarisés de force et coupés des services de base les plus essentiels sur un territoire où ils vivent depuis 6 000 ans, ce film a vite été relégué aux oubliettes.

L’Erreur boréale dénonçait une industrie qui dévorait sans vergogne la forêt, que les documentaristes avaient présentée fort habilement et judicieusement comme un capital qui appartient collectivement à tous les Québécois. Le Peuple invisible montre la misère d’un peuple que les Québécois ne connaissent pas et qu’ils n’ont peut-être même pas envie de connaître. Richard Desjardins le dit : « la forêt est une industrie qui génère 20 milliards de dollars, mais les Indiens ne valent pas grand-chose dans l’esprit des gens ». C’est là où le bât blesse !

On parle ici des Algonquins, mais les Cris et les Innus, pour ne nommer que ceux-ci, ne trouvent pas plus grâce aux yeux des Québécois et des Canadiens. Les récits d’horreur sur les sévices sexuels qu’ont subis les jeunes autochtones dans les foyers où ils ont été placés de force pour être « éduqués » et lessivés de leur propre culture dérangent un peu, mais « c’est pas nous autres qui leur a fait ça, ni nos parents, ni nos grands-parents, les coupables, ce sont les communautés religieuses ».

Je ne vois rien ; je n’entends rien ; je ne dis rien

Les Premières Nations se lèvent pour réclamer plus d’autonomie pour leurs peuples, mais aussi pour s’opposer à un gouvernement qui s’attaque à un ensemble de valeurs qui a déjà constitué ce qui faisait du Canada un pays progressiste et respecté à travers le monde. Plutôt que d’entretenir des préjugés contre les Indiens, en jetant des regards biaisés sur des situations particulières comme la gestion d’une telle ou d’un tel autre chef, les Canadiens devraient leur emboîter le pas. Un rapprochement entre autochtones et non autochtones n’a jamais été aussi souhaitable.

Le mouvement Idle No More, lancé par les Premières Nations, est digne et non violent. Les Canadiens resteront-ils indifférents, manière de dire à Stephen Harper Idle More and More ?

Plaçons une plume rouge à côté du carré rouge.

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