Champ libre

Un premier recueil d’ombre et de lumière

Par Thuy Aurélie Nguyen le 2012/10
Champ libre

Un premier recueil d’ombre et de lumière

Par Thuy Aurélie Nguyen le 2012/10

Le premier recueil de nouvelles de Stéphanie Pelletier, Quand les guêpes se taisent, paru en août 2012 chez Leméac, est un petit bijou d’ombre et de lumière. Cette jeune écrivaine de Métis-sur-Mer, qui slame et improvise avec brio sur la scène rimoukoise depuis plusieurs années, nous offre aujourd’hui son écriture au caractère bien trempé, d’une sensibilité rare.

Ses 14 nouvelles se déroulent dans une tension constante entre les extrêmes : la vie et la mort, la tendresse et la cruauté, l’attirance et la répulsion. Les récits se bâtissent sur l’écart. L’écart entre ce que l’on voudrait et ce qui est, entre le rêve et la réalité qui vient fracasser nos illusions.

L’auteure a l’art de mettre en scène ces moments où tout peut basculer, comme dans « Fruit Loops », où une mère de famille fatiguée passe près de ne jamais revenir dans son foyer où l’attendent, comme à leur habitude, son mari et sa fille. L’amour, lui, est passionnel. Il gronde dans le sang, sous la peau, tandis que les corps se dénudent, mettant les âmes à nu.

L’écrivaine invente sa propre langue, une langue claire et drue qui nous tombe dessus comme une averse de printemps et fouette les sens au passage. Les dialogues sont savoureux, empreints de nuances, les expressions et les intonations québécoises nous font entrer de plain-pied dans l’univers des personnages : « Adyoye donc! Tu m’as pincé! » ou « Tu m’fais mal, m’as m’plaindre à Dépégie! », et un peu plus loin : « C’tu à toé, c’tes beaux chiens-là? Non, y étaient icitte tu seuls quand on est arrivés pis y sont restés avec nous autres toute l’après-midi… »

Au fil de ces nouvelles qui s’égrènent comme autant de moments précieux, on décèle la fragilité de la vie, le passage du temps qui laisse des traces sur les corps, qui sépare les êtres : « Ta mort m’a foudroyée et a ouvert une grande brèche en moi. Elle part de l’épaule gauche et me traverse en forme d’éclair. » L’enfance est un îlot sauvage, préservée de l’insignifiance par l’émerveillement. Les portraits de femmes, esquissés à traits rapides et incisifs, sont sublimes de grandeur et de petitesse. Les mères apparaissent tour à tour tendres, sacrificielles, frustrées, indignes, violentes. Pourtant, il y a du dévouement infini dans ces femmes. L’attention au détail fait du quotidien une fête éclatante de couleurs. Et tout au long de la lecture, on ressent l’amour de l’écrivaine pour la terre, sa tendresse pour les animaux, qui n’est pas sans rappeler la plume sensible et sensuelle de Colette. Stéphanie Pelletier travaille actuellement à l’écriture de son premier roman, qui, à l’aune de ce recueil inspiré, nous paraît plein de promesses.

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