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Retour sur Gentilly

Par Marie-Neige Besner le 2012/10
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Retour sur Gentilly

Par Marie-Neige Besner le 2012/10

Le nouveau gouvernement de Pauline Marois annonçait il y a deux semaines la fermeture de Gentilly-2, à Bécancour. Cet article propose un retour sur l’histoire de la seule centrale nucléaire en exploitation au Québec, depuis la mise en service de la centrale Gentilly-1 jusqu’à l’annonce récente de fermeture par le nouveau gouvernement péquiste.

Gentilly-1

La centrale Gentilly-1 a été mise en service en 1970, après quatre ans de travaux et une dizaine d’années de discussions entre les différents lobbies de l’énergie au Canada. Affligée de plusieurs problèmes techniques dès ses débuts, elle n’a produit de l’électricité que pendant de brèves périodes, pour un total de près de 180 jours. En 1980, elle a été mise en état de conservation en vue de son démantèlement. Propriété d’Énergie atomique du Canada (EACL), la centrale devait être démantelée en 1986, ce qui n’a pas encore été fait, la compagnie ayant décidé de reporter l’activité de 40 ans.

Gentilly-2

La construction de la centrale Gentilly-2 a commencé en 1973 sur le même site que Gentilly-1. On devait aussi y construire une troisième centrale, un projet qui a été abandonné en 1979. En 1983, soit avec quatre ans de retard, la centrale a été officiellement mise en service par Hydro-Québec. Le projet de construction, qui devait initialement coûter 400 millions de dollars, en aura finalement coûté plus du triple. Depuis son lancement, Gentilly-2 génère un peu moins de 2 % de la production québécoise en électricité.

Après plusieurs années d’études, le gouvernement Charest a annoncé en 2008 la réfection de la centrale Gentilly-2. Le projet, d’un coût total estimé à 1,9 milliard de dollars, devait prolonger la vie de la centrale jusqu’en 2040. D’après Hydro-Québec, l’électricité produite à Gentilly-2 aurait eu un prix de revient de 0,72 $/kWh, en tenant compte des coûts de réfection, des frais d’exploitation durant 25 ans, du coût de démantèlement ainsi que du transfert des déchets radioactifs vers un dépôt permanent. L’augmentation faramineuse depuis 2008 des coûts de réfection de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick, sœur jumelle de Gentilly-2, aurait toutefois fait craindre le pire à plusieurs.

Deux incidents survenus à l’été 2011 ont forcé Hydro-Québec à procéder à la fermeture du réacteur pendant presque quatre mois. De plus, une fuite d’eau lourde est survenue le 26 avril dernier, contaminant deux employés. Même si les doses de radioactivité auxquelles ils ont été exposés étaient trop faibles pour qu’ils en aient gardé des séquelles, l’incident démontre les dangers sanitaires liés à l’exploitation nucléaire.

Santé et nucléaire

Plus d’une trentaine d’accidents nucléaires majeurs ont eu lieu au cours des cinquante dernières années à travers le monde, dont ceux de Tchernobyl et de Fukushima. L’impact des radiations sur la santé des êtres vivants et de leurs habitats a été dévastateur.

L’Organisation mondiale de la Santé a évalué le nombre de morts liés à l’incident de Tchernobyl à 4 000 dans son rapport « Chernobyl’s Legacy : Health, Environmental and Socio-Economic Impacts ». Une étude menée par des chercheurs américains a quant à elle démontré que le nombre de décès liés à Fukushima oscillait entre 15 et 1 300 morts, l’estimation la plus probable étant de 130 décès2.

Ces rapports ont aussi démontré les effets que ces accidents ont eu sur les habitats limitrophes des centrales. En Ukraine, on compte encore 90 000 moutons contaminés par Tchernobyl. Au Japon, on a récemment découvert des changements génétiques chez les papillons Pseudozizeeria maha, des bio-indicateurs de la qualité de l’environnement et de la biodiversité. Le Québec n’est pas à l’abri d’un accident nucléaire. Les événements de Tchernobyl et de Fukushima, pour ne nommer que ceux-là, invitent à la prudence.

La fermeture de Gentilly-2

Au Québec, le gouvernement péquiste a récemment annoncé la fermeture de Gentilly-2. Si les groupes environnementaux et ceux qui réclamaient depuis longtemps la fermeture de la centrale, dont le médecin Éric Notebaert, le mathématicien Gordon Edwards et le physicien nucléaire Michel Duguay1, se sont réjouis de cette décision, la rapidité avec laquelle elle a été mise en œuvre en a surpris plus d’un, même si Pauline Marois avait déjà annoncé ses couleurs lors de la dernière campagne électorale. Les élus du Centre-du-Québec et de la Mauricie, dont les maires de Bécancour et de Trois-Rivières, ainsi que les chambres de commerce locales s’inquiètent de l’impact qu’aura la fermeture de la centrale sur l’économie de la région, Gentilly-2 employant près de 800 personnes. Le Parti libéral et la Coalition avenir Québec ont eux aussi dénoncé la décision du gouvernement. La CAQ réclame une commission parlementaire, qui ne pourrait cependant débuter avant novembre. Reste à voir si une telle motion sera acceptée par l’Assemblée nationale.

Ce qui est certain, c’est qu’Hydro-Québec doit soumettre son plan d’arrêt à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Le démantèlement de Gentilly-2 devrait s’étendre sur plusieurs dizaines d’années, selon une évaluation effectuée par la société d’État en 2004. Après la phase de la préparation à la dormance, qui doit durer un peu plus d’un an, la deuxième phase, au cours de laquelle les systèmes sont mis hors tension et sécurisés, devrait s’étendre sur 31 ans. Lors de la troisième et dernière phase, d’une durée prévue de sept ans, les installations seront démantelées et les sources de radiation, éliminées. Ainsi, la centrale nucléaire ne devrait pas être déclassée avant 2051, à la condition toutefois qu’un prochain gouvernement ne déroge pas à la volonté du Parti québécois.

1. John T. Hoeve et Mark Z. Jacobson, « Worldwid Health Effects of the Fukushima Daiichi Nuclear Accident », Energy and Environmental Science, 2012.

2. Voir le documentaire Gentilly or not to be de Guylaine Maroist et Éric Ruel.

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