Gel-dégel
Selon le ministre Bachand, les droits de scolarité ont été gelés pendant 33 ans sur 43 ans. Vrai. Est-ce dire que cela fait 33 ans sans augmentation ? Non. En 1989, le ministre Claude Ryan a décrété une hausse des droits de scolarité de 140 %.
Le dégel ne nuit pas à l’accessibilité. Faux. De 1990 à 1994, les inscriptions ont chuté de 5 %.
La juste part
Il est juste de ramener les droits à ce qu’ils étaient en 1968. Faux. En 1968, l’éducation universitaire était réservée à une minorité, la démocratisation de l’éducation n’ayant commencé que l’année suivante avec la création des cégeps (gratuits) et du réseau de l’Université du Québec.
Au Québec, on paie moins cher qu’ailleurs pour étudier. Vrai pour les États-Unis et le Canada, Faux pour la France, l’Allemagne, la Suisse, la Suède et le Danemark, entre autres.
Nos universités sont sous-financées, elles ne peuvent soutenir la compétition avec les universités canadiennes. Faux. Selon l’IRIS, les universités au Québec reçoivent en moyenne 29 242 $ par étudiant ; en Ontario, c’est 26 383 $.
Certains croient qu’il est injuste que les petits salariés subventionnent les études universitaires. Qu’en est-il ? L’examen des 6,2 millions de déclarations de l’année d’imposition 2009 montre que seulement 45,7 % des contribuables ont payé de l’impôt net, soit 16,9 milliards de dollars (55 % ont reçu au moins autant qu’ils ont payé grâce aux différents crédits accordés). Les 23,5 % de contribuables dont le revenu annuel se situe entre 30 000 $ et 49 000 $ ont payé 21 % de l’impôt ; ceux dont les revenus se situent entre 50 000 $ et 99 000 $ (18,1 %) ont payé 47,7 % de l’impôt ; enfin, 250 000 personnes (4,1 %), dont les revenus sont de 100 000 $ et plus, ont payé 41 % de l’impôt. Conclusion : 22,2 % des contribuables paient la grosse part de la note dévolue à l’éducation puisqu’ils paient 88,7 % de l’impôt. Sont-ils perdants ? Sûrement pas, ils soutiennent les futurs contribuables qui à leur tour paieront la grande part de l’impôt. Simple retour d’ascenseur, comme propose de le voir Michel Girard dans La Presse du 2 avril1.
Le gouvernement va bonifier l’aide financière. Vrai si on considère qu’une augmentation substantielle de l’endettement constitue une aide financière…
Investir
Les études universitaires constituent un investissement rentable pour l’étudiant. Vrai, mais rentable surtout pour la société puisqu’un universitaire versera en moyenne durant sa vie active 379 187 $ en impôt de plus qu’un diplômé d’études collégiales, et 503 668 $ de plus qu’un diplômé du secondaire. L’ensemble des contribuables a donc intérêt à ce qu’il y ait le plus grand nombre de diplômés universitaires possible.
Le Québec n’a pas les moyens de financer les études universitaires. Faux. Avons-nous la preuve que les cadeaux faits aux grandes entreprises sont plus rentables que l’investissement en éducation ? À cet égard, l’ex-ministre Yves Séguin déclarait en 2003 : « Est-ce normal que le gouvernement verse 5 milliards de dollars en crédits d’impôt à des entreprises dont la majorité sont prospères2 ? » Et les 8 milliards d’évasion fiscale. Et tous ces milliards dépensés en trop pour les infrastructures à cause d’un système de collusion qu’on espère que la commission Charbonneau saura mettre au jour.
La CLASSE milite pour la gratuité des études, c’est une aberration. Peut-être pas. Selon l’IRIS, la gratuité coûterait 1 % du budget québécois, soit autour de 500 millions, bien moins que les cadeaux faits aux entreprises. Et les diplômés universitaires, eux, remettent à la société bien plus que ce qu’ils ont reçu.
Au bout du compte
En tentant d’imposer le mot « boycottage » plutôt que « grève », le gouvernement refuse toute légitimité aux revendications étudiantes. Il y a de la violence dans la guerre des mots. Les étudiants font la grève des études comme d’autres font la grève de la faim. Par nécessité. Parce qu’on refuse de les entendre. Oui, le conflit est idéologique : chacun pour soi ou vivre ensemble ?
Et si le gouvernement avait cherché à tirer profit du conflit. Sinon pourquoi avoir choisi d’imposer une telle hausse en fin de mandat ? Pourquoi l’intransigeance. Pourquoi tant insister sur la violence d’une toute petite fraction ? Pour masquer l’odeur qui se dégage chaque fois qu’on fouille le corrompu ? Par calcul électoral ? « Grotesque ! » dit Jean Charest. Des élections au printemps ? « Ce serait ignoble », affirme-t-il. Cochon qui s’en dédit !
La solution proposée lors d’une opération de marketing politique sophistiquée est de faire passer la hausse de 75 % à 82 % sur 7 ans. Big deal : « 50 cents par jour », dit le slogan. Sans rire. Endettez-vous, tout le monde le fait ! Eat shit ! A million flies can’t be wrong !
Pour sortir du cul-de-sac environnemental où nous a menés le profit pour le profit et prendre soin d’une société vieillissante, il faudra à nos enfants des trésors d’intelligence, de créativité et d’altruisme. Les jeunes méritent le respect, la meilleure éducation qui soit : ils sont notre avenir !
La politique a besoin d’un sérieux coup de barre et des lectures plus inspirantes pour la société québécoise que L’Art de la guerre3 de Sunzi.
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1. Cet article fournit les données concernant l’impôt en 2009 ainsi que la projection des revenus d’impôt que fournissent les diplômés universitaires.
2. Dans Université inc. de Éric Martin et Maxime Ouellet, Lux, 2011.
3. La lecture de chevet du premier ministre, semble-t-il.