Culture

Connaissez-vous l’extravagante Dorothy Parker ?

Par Emmy Aude le 2012/05
Culture

Connaissez-vous l’extravagante Dorothy Parker ?

Par Emmy Aude le 2012/05

Pour l’avoir côtoyée pendant la fin de semaine, je peux vous dire qu’elle n’est pas de tout repos.  Avec elle, on ne dort pas. C’est une femme qui aime vivre parmi les riches, les plus riches.  Elle boit leurs alcools, brille dans leurs fêtes, mais ne les aime pas1.  «Si vous voulez savoir ce que Dieu pense de l’argent, dit-elle, regardez à quoi ressemble ceux à qui il le donne».

Dorothy Parker est née à Long Branch au New Jersey.  C’est une journaliste, poétesse et scénariste américaine. Elle débute sa carrière à Manhattan à l’âge de vingt et un ans.  Son premier poème «Any Porch2»  est publié dans Vanity Fair, le magazine le plus snob du pays. Dans ce poème, elle parle de ces femmes désœuvrées qui bavardent dans les hôtels de stations balnéaires pendant que les époux sont retenus en ville pour leur travail.

Après cette publication, Dorothy est engagée pour le magazine Vogue et pour Vanity Fair comme critique théâtrale. Elle est drôle, brillante et imprévisible.  Son nom s’impose rapidement et les lecteurs dévorent ses critiques avant tout autre article. Sa perception est juste, son jugement est fulgurant, son sens de l’observation est aiguisé. Elle sait manier les mots à double sens. En raison de sa plume assassine, elle ne tarde pas à se faire des ennemis.

Renvoyée de ce magazine, elle est embauchée au nouveau journal : le New Yorker.  Elle écrit des poèmes courts et mordants sur la bonne société, des nouvelles comme «Hymnes à la haine». On reconnaît sa notoriété et son humour ravageur. Pour tout dire, c’est une femme à l’esprit libre, une femme émancipée.

Elle fait partie du cercle littéraire de la Table Ronde de l’Algonquin. Ce cercle est composé d’écrivains et d’acteurs qui se rencontrent à l’Hôtel Algonquin. « Pour devenir Algonquin, mieux vaut cumuler l’esprit, l’habileté à le manier, la courtoisie de ne pas essayer de dominer la conversation3».

Après un voyage de neuf mois en Europe, Dorothy reprend sa chronique littéraire et devient la reine de New York. Bien qu’elle préfère New York et la création littéraire, elle a besoin d’argent et devient scénariste à Hollywood. Elle écrit des scénarios avec des collaborateurs. C’est d’ailleurs la scénariste la mieux payée d’Hollywood. Avant d’être inscrite sur la liste noire du cinéma, elle gagne plus d’un demi-million de dollars, mais finit ruinée. Sa vie est parsemée de périodes fastueuses et de périodes misérables; ce qui lui fait dire : « J’ai été pauvre, j’ai été riche. Mais croyez-moi, riche, c’est mieux !».

Elle revient à New York où elle se lance dans une carrière théâtrale et tient la critique littéraire du magazine Esquire.  Elle publie deux recueils de poèmes et reçoit le prix O’Henry pour sa nouvelle «La grande blonde ».

Dorothy soutient la cause des loyalistes espagnols. Elle est inscrite sur la liste noire du cinéma parce qu’on la soupçonne de sympathie avec le parti communisme américain.  Sur cette liste d’artistes à qui les studios hollywoodiens refusent tout emploi, on retrouve aussi Charlie Chaplin, Marlene Dietrich, Orson Welles, etc. Au cours de sa carrière, elle rencontre plusieurs écrivains tels F. Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway.

Parallèlement à sa carrière littéraire, cette femme connaît la tourmente et vit des amours tumultueux.  Elle abuse de l’alcool et fait des tentatives de suicide. Dans son œuvre La vie à deux, elle tend à démontrer que les deux sexes opposés se glissent dans des rôles stéréotypés et qu’un rapport vrai entre un homme et une femme est très rare.

La vie de Dorothy, Dottie pour les intimes, est un véritable chaos. «Trois mariages, deux maris, une flopée de teckels et de caniches, l’alcool, une rébellion constante contre la vie et le conformisme, des engagements politiques hasardeux, une écriture unique, il y avait de quoi devenir une légende vivante4».

Dottie vit jusqu’à l’âge de 73 ans, de 1893 à 1967.  À sa mort en juin 1967, le New York Times lui réserve un hommage important.

Bien qu’elle ne l’ait jamais rencontré, elle lègue la totalité de ses biens à Martin Luther King, pasteur noir américain, qui lutte depuis 1955 pour l’intégration des Noirs.

Dorothy Parker (née Rothschild) incarne les contradictions de son époque de richesse pour les uns et d’austérité pour les autres. Elle nous enseigne encore aujourd’hui que la Nature humaine peut être tantôt forte, tantôt fragile. L’écrivain et peintre américain John Dos Passos dira de Dottie qu’elle riait avec des larmes dans les yeux.

Parmi ces phrases célèbres, il y a celle de son épitaphe favorite : «Excusez-moi pour la poussière ».

Dominique de Saint Pern, L’Extravagante Dorothy Parker, Grasset, 1994, 362 p.

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1. Dominique de Saint Pern, L’Extravagante Dorothy Parker, Paris, Grasset, 1994.

2. « Sous les vérandas ».

3. Dominique de Saint Pern, L’Extravagante Dorothy Parker, Paris, Grasset, 1994.

4. Ibid.

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