J’adore les actualités. Toujours riches en révélations de toutes sortes, fertiles en rebondissements et en imprévus, truffées de nouvelles juteuses et parfois de bobards croustillants, les infos déversent un flot ininterrompu de nouvelles qui contribuent à notre épanouissement collectif et individuel en coloriant le glauque relief de notre quotidien. On a dit mille fois que la réalité dépasse la fiction, mais que dire quand l’enchaînement des faits qui nous sont présentés dessine une trame digne des facéties les plus prisées des surréalistes, à la manière des combinaisons farfelues engendrées à la faveur de la pratique du jeu du cadavre exquis ?
Par exemple, qui aurait cru pouvoir un jour établir un lien entre un spectacle de Madonna ou de Céline Dion, la pêche illégale des oursins à Percé et une usine de filtration des eaux à Boisbriand ? Non mais c’est vrai, à première vue, comme ça, le néophyte se dit que le chroniqueur a l’imagination un peu trop fertile, qu’il en a fumé du bon ou qu’il est carrément à côté de ses pompes (funèbres bien sûr, puisqu’il s’agit de cadavres), et pourtant, il existe une filiation entre ces trois choses, quelques simples mots clés nous permettraient rapidement de découvrir la belle relation incestueuse qu’elles entretiennent entre elles. Je vous en donne quelques-uns en vrac, comme ça, pour ne pas que vous fulminiez toute la journée contre ce fichu scribouilleur en vous demandant à quoi il pouvait bien faire allusion dans sa foutue chronique. Je me risque : éthique douteuse, parti politique actuellement au pouvoir dans une province canadienne, projets qui ne « fittent » pas dans la « petite case » mais à l’égard desquels il faut savoir faire preuve « de la plus grande souplesse et créativité possible ». Alors, ça vous éveille l’endormitoire ? N’empêche que c’est poétique quand même, on se croirait dans un atelier du Cirque du soleil ! Dommage que la dame ait décidé de cesser de faire tourner des ballons sur son nez ! Ah oui, j’oubliais. Un autre mot clé : Gaspésie. C’est triste.
Tout ça pour vous dire que moi, c’est à la bande de l’émission Enquête que j’aurais donné le mandat de la Commission machin truc, celle dont on dirait qu’elle veut attendre que toutes les preuves soient détruites ou que les élections soient passées avant de se mettre à l’œuvre. Il me semble que ça pressait un peu plus la dernière fois, vous vous souvenez, quand on s’est mis à douter de l’intégrité du système judiciaire et qu’on questionnait la réputation de certain haut personnage ? Oh boy ! Là, ça n’a pas été long ! Fallait que la vérité sorte, qu’elle éclate au grand jour ! C’est plate finalement qu’un merveilleux navire comme le Titanic coule en quelques heures alors que les insubmersibles de la corruption vont mettre des années et des années avant de disparaître de la map, si jamais la chose se produit. Ah ! Que voulez-vous, quand on est nés pour un p’tit vingt…
Parlant de bateau, ne voilà-t-il pas qu’on en voit resurgir un qu’on avait presque oublié – le fameux Touch de Tony Accurso –, dans ce merveilleux paysage surréaliste du Québec où les enveloppes brunes naviguent allègrement entre les cocktails-bénéfice et la machinerie lourde. Heureusement, le Marteau s’est mis à frapper, mais à juger de l’ampleur de la tâche, c’est plutôt d’une masse dont les enquêteurs vont avoir besoin ! Et pendant que ces joyeux compères conspirent, complotent, combinent et concassent avant de comparaître, le Grand Boss nous révèle avec un humour fin à quel point il est rusé et comment il a pensé à tout. Primo : le Plan Nord va régler tous les problèmes économiques du Québec, dans la transparence la plus opaque et pour le plus grand bienfait des copains ; secundo : les jeunes n’auront pas besoin d’instruction puisqu’ils vont tous travailler comme manœuvres dans le goulag. On va enfin avoir la paix dans le Sud, plus d’attroupements, plus de manifestations et plus personne pour chialer dans les régions puisqu’elles vont toutes se vider de leurs forces vives à la faveur de ce nouvel Eldorado.
Ah ! C’est bon de se savoir ainsi dirigés par des personnes clairvoyantes, imbues de justice sociale et d’une éthique à toute épreuve. Et têtues par surcroît. Résilientes. Capables de faire face à la grogne populaire et de reculer juste au bon moment, c’est-à-dire toujours un peu tard, mais jamais trop. On a eu droit à la réingénierie, une expression un peu nébuleuse dont on semble comprendre aujourd’hui qu’elle avait quelque chose à voir avec les firmes d’ingénieurs. On nous a servi du « nous sommes prêts » sans préciser à quoi on était prêts : au magouillage ? aux intrigues ? aux combines ? aux pots-de-vin ? Et puis, en bout de ligne, qu’est-ce que ça donne d’avoir les deux mains sur le volant si c’est pour faire prendre le champ à toute une collectivité, et laisser le Québec exsangue à la manière d’un cadavre, exquis au goût de ceux et celles qui l’auront siphonné à la fois de ses valeurs morales, et à la fois de ses richesses naturelles ?