Le regroupement Voir à l’Est revient au Musée du Bas-Saint-Laurent avec une toute nouvelle exposition, Prêt-à-porter, cette fois-ci autour de la thématique du vêtement. Ils sont quatorze pour cette édition à se lancer dans l’aventure, soit Youri Blanchet, Olivier Blot, François Gamache, Jocelyne Gaudreau, Baptiste Grison, Caroline Jacques, Michel Lagacé, Raymonde Lamothe, Anjuna Langevin, Pilar Macias, Mona Massé, Karine Ouellet, Sylvie Pomerleau et Dory’s Tremblay. Chaque artiste élabore, chacun à sa manière, une œuvre inédite en s’inspirant de ce thème qui se fait de plus en plus présent au sein des institutions muséales. Que ce soit l’exposition de Jean-Paul Gaultier au Musée des beaux-arts de Montréal l’été dernier, ou encore celle qui a lieu en ce moment même au Musée national des beaux-arts à Québec, Mode et apparence dans l’art québécois, 1880-1945, le vêtement n’a pas fini de susciter l’enthousiasme. Néanmoins, l’art contemporain permet une réflexion d’autant plus inventive sur les différents enjeux que l’idée de l’habillement peut faire naître. En partant de leur démarche, les artistes parviennent à mettre en lumière à travers les œuvres créées différentes problématiques, qu’elles soient davantage symboliques, culturelles ou encore très personnelles.
Avec À 15 ans, Pilar Macias s’inspire d’une des traditions de son pays d’origine, la Quinceañera. Elle crée une robe à l’aide de photographies de jeunes filles vêtues spécialement pour l’occasion qu’elle coud ensemble, à l’image d’une courtepointe alliant le souvenir au savoir-faire. Certaines œuvres suscitent davantage une réflexion quant au caractère de plus en plus éphémère de la mode, et permettent de se questionner entre autres sur les ressorts écologiques de la consommation du vêtement, devenu quasiment jetable. La photographie proposée par François Gamache, Fin de saison, est à ce titre exemplaire. On y voit, au détour d’une route, un manteau à l’abandon, un détritus comme un autre qui jonche le paysage urbain jusqu’à passer inaperçu. L’œuvre de Dory’s Tremblay, Création nuptiale, se présente quant à elle sous la forme d’une robe de mariée reconstituée. Très bigarrée, celle-ci est faite de différents matériaux recyclés comme des bouchons de contenants de détergent, de même que des objets qu’on pourrait qualifier de bon marché et typiques de la société de consommation. L’ensemble n’est pas sans faire réfléchir à la marchandisation accrue à laquelle est aujourd’hui associé le mariage ou encore à son caractère rendu quasiment récupérable, l’union étant dorénavant rarement pour la vie. Plus symbolique, l’installation sculpturale de Jocelyne Gaudreau, Peaux, reprend davantage l’idée de la chair comme quelque chose qu’on porte. Elle en peint l’apparence sur différents supports de bois, la représentant à plat à l’instar d’un patron de couture, ce qui peut par exemple évoquer l’idée de la chirurgie plastique qui permet aujourd’hui de changer complètement l’apparence de quelqu’un, de lui donner une seconde peau. D’autres créations, plus énigmatiques, suscitent par leur étrangeté différentes interrogations. C’est le cas du personnage sculpté dans du bois d’Olivier Blot, Le va nu pieds (a Seb), accoutré d’un habit centenaire, et qu’on croirait tout droit sorti d’une époque de récession depuis longtemps révolue. Cet être figé dans le temps se trouve pourtant à être la représentation d’un itinérant, une situation économique et sociale bien de notre temps.
Chaque artiste apporte ainsi une réflexion riche en découvertes à l’occasion de cette exposition présentée au Musée du Bas-Saint-Laurent jusqu’au 18 mars.