Ma cousine Marilyn a disparu en février 2008
Mon ami Max s’est fait frapper en sortant d’un café le
29 décembre dernier
Traumatisme crânien sévère
Mon ami Karrick a percuté trois voitures, son char a explosé
C’est arrivé le 21 mai
À Columbine, à la Polytechnique, pis fouille-moi où la prochaine fois
Y’a des tueurs fous qui prennent des guns pis qui tirent dans l’tas
J’ai renversé mon verre de jus d’orange su l’chien à matin
Les grandes marées arrachent la rive
Y’a du bois mort partout sur les terrains
Mes tuyaux ont gelé pis j’ai été obligée de passer le séchoir dessus
Haïti, le tremblement de terre
Les oiseux morts tombent du ciel par milliers
Les tsunamis, les ouragans, le nucléaire
Tu m’appelais le cheval fou
La sauvage
La fée…
La chèvre de monsieur Seguin
Le p’tit chaperon rouge
C’est la même histoire
« Sors pas du sentier, saute pas la clôture sinon le Loup va te manger ! »
On met des règles
On s’fait des normes
Parce qu’on a peur du Loup
On pense qu’en entourant le réel de limites
Ça va l’empêcher de les franchir pour nous dévorer
Si on est fidèles on va s’aimer toute notre vie
Bullshit
Si j’dépasse pas 90 kilomètres heure, je f’rai pas d’accident d’char
Bullshit
Si j’suis le sentier le Loup me mangera pas
Bullshit
Les Loups, ça aime ça aussi les sentiers, parce que c’est ben tapé, c’est moins fatigant de marcher dedans !
Tu m’appelais le cheval fou
La sauvage
La fée…
Parce que j’suis pas capable de penser dans des boîtes
Parce que je remets toujours en doute les idées reçues
Anarchiste malgré moi
C’est mon utopie. C’est la seule que j’ai trouvée
J’ai besoin d’utopie, sans ça j’vas crever
Ce qui fige est une menace
C’est l’mouvement qui empêche les choses de stagner pis de pourrir
Avec nos règles pis nos lois on étouffe, on empêche, on oppresse
On cherche à attraper le sens pour pouvoir le garder
Ce faisant on le tue
Parce que le sens est libre
Le sens se définit par sa liberté
Bébé Doc est revenu à Haïti
Mais y’a eu le printemps arabe aussi
La grande sœur de Marilyn a eu une fille au mois de mai
J’ai pris une bière avec Max la semaine passée
Y’a des soleils qui meurent, y’a des volcans qui naissent
La Corée du Nord, l’Irak, l’Afghanistan
La semaine prochaine j’vas vider l’jardin
J’vas faire des conserves pour l’hiver prochain
Avez-vous déjà perdu le contrôle en char ?
Connaissez-vous ce moment où on lâche tout en attendant la suite ?
Maintenant, là tout de suite, j’peux rien faire !
Mon char va peut-être reprendre sa ligne droite
Mon char va peut-être percuter le banc de neige, le poteau, ou la vanne qui arrive
Mais il n’y a rien que je puisse faire, là tout de suite, que d’attendre
Je n’ai pas le contrôle, j’ai perdu le contrôle, j’me laisse aller !
Mais si j’survis à ça, j’vas m’accrocher
Au printemps prochain, j’vas faire des s’mis
Si j’rencontre un homme, j’vas l’aimer pour lui
J’vas poser des cabanes
J’vas nourrir les oiseaux
Pis à toué jours de ma vie
Ben j’vas dire merci
C’est ça s’abandonner au chaos.
Stéphanie Pelletier est agente de développement pour le Théâtre L’Exil. Improvisatrice, auteure et slammeuse, elle cumule les implications dans le milieu culturel.