Des femmes réunies ensemble par une matinée d’octobre, pour échanger sur la mystique de l’âge et du vieillissement. Dehors, les érables rougissent et commencent à perdre leurs feuilles. Nous sommes accueillies par une lecture de Clarissa Pinkola Estès, extraite de La danse des grands-mères. Nous sommes accueillies en tant que comadre, ce mot espagnol qui décrit la relation de grande proximité entre des femmes qui veillent les unes sur les autres et se transmettent des enseignements mutuels. Le ton est donné. Nous sommes invitées à nous reposer, car ici, notre âme est en sécurité. Et pourtant, nous ne nous connaissons pas. Nous sommes 14 femmes d’ici et d’ailleurs. De toutes les générations, car on le sait, le vieillissement ne concerne pas seulement les personnes âgées. Nous sommes toutes en train de vieillir. Chaque jour est un jour de plus. Comment vivons-nous le fait de prendre de l’âge ? Quelles en sont les pertes, les deuils ? Quels en sont les fruits, les trésors enfouis ? Par la danse, la parole, le dessin, l’écriture, peu à peu, les liens se tissent, le sens se révèle. Nous explorons l’oeuvre réalisée par les femmes de La Marie Debout – des photos, des parchemins, des boîtes délicates remplies de trésors – et nous laissons cette matière résonner en nous.
Les regards se croisent. Les âmes se réchauffent les unes aux autres. Les coeurs osent se dévoiler. Il n’y a que des femmes. Toutes sont des filles et la plupart sont des mères et des grands-mères. La vie a été généreuse, éprouvante aussi, violente parfois, et nous sommes convoquées à la regarder en face, ensemble. Nous nous inscrivons dans la lignée de toutes les femmes qui sont venues avant nous et qui se sont battues pour se tenir debout, pour préserver leur lien avec le sacré dans la dureté du monde. Nous sommes des contenants, qui savent accueillir, enfanter, veiller, aimer. Nous sommes aussi des guerrières, qui toujours lutteront pour faire entendre leur voix, pour défendre leurs droits. Nous prenons conscience de l’importance de dire « nous », plutôt que « vous » ou « eux autres ». Oui, il s’agit bien d’engagement. De prendre sa part de responsabilité et d’apprendre à penser, à agir en solidarité, et non plus isolée dans son coin. En même temps, grâce à l’écoute et l’accueil des autres, nous découvrons des ressources insoupçonnées en nous. L’art est la voie de passage pour penser autrement, avec son corps, avec son âme, avec ses tripes.
C’est ainsi que nous nous rencontrons, dans cet espace protégé et lumineux, une matinée d’octobre. Loin de la folie du monde, des obligations, des tâches du quotidien, nous nous reposons à l’ombre les unes et des autres, avant de reprendre notre chemin. Abreuvées. Altérées par nos différences et touchées par notre commune humanité.
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