Le pape des escargots est l’histoire de paysans vivant en marge de la société moderne qui bat son plein en France, ainsi que dans la ville de Dijon à seulement quelques kilomètres de leurs terres. Étant donné qu’aucune date n’est mentionnée dans le livre, un certain temps s’écoule avant que nous réalisions à quelle époque se situe réellement l’action du récit. Cela se présente tel un anachronisme, lorsqu’un professeur de la Sorbonne à Paris vient convaincre le personnage principal, Gilbert, qui a un talent inné pour la sculpture sur bois, d’intégrer les rangs de l’Université. Il débarque dans cette campagne, figée un siècle en arrière, en voiture de luxe, détruisant du même coup le contexte historique dans lequel nous avions cru que l’histoire se déroulait. Ce qui est déstabilisant, c’est cette puissante impression de lire un roman québécois du XIXe siècle jusqu’à l’arrivée du professeur. Ce sentiment passe à travers la façon de parler des personnages, et les idées qu’ils entretiennent à travers la religion et leurs croyances. Nous sommes témoins de leur affection pour les pèlerinages comme moyen de guérison, plutôt que la consultation d’un médecin, ou encore de l’importance qu’ils accordent à la reconstitution théâtrale de la crèche la veille de Noël. La conservation du mode de vie ancestral et de la religion catholique étant des thèmes dominants dans la littérature québécoise du terroir des années 1940 à 1960, ce rapprochement est surprenant au sein d’une œuvre française des années 1970. Comme quoi les régions campagnardes françaises sont rarement représentées en littérature et qu’elles ont plus à voir avec le patrimoine culturel québécois que ce que l’on pourrait penser.
De plus, ce roman fait un savant mélange de différents éléments de culture à travers le personnage de La Gazette. Cet homme se dit druide et se promène de village en village afin de propager les nouvelles de la campagne bourguignonne à travers cette dernière. Il appuie ses dires sur la tradition celtique, les mythes gréco-romains ainsi que sur la religion catholique. Il va même jusqu’à y mêler les sciences, comme les mathématiques, en les attribuant à certains dieux égyptiens. La cohérence de tous ces éléments dans l’univers romanesque est habile et étonnante malgré leur utilisation dans des contextes qui ne leur appartiennent pas.
Je considère ce roman comme un petit bijou par la façon dont il présente les éléments culturels fondateurs des sociétés française et québécoise, rapprochant ces deux nations de manière confondante. Cela n’est assurément pas présent dans l’œuvre par la volonté de l’auteur, mais à travers le bagage culturel des lecteurs.