Champ libre

Juan Sebastian Larobina, musicien latino-gaspésien pure laine

Par Véronique O'Leary le 2011/07
Champ libre

Juan Sebastian Larobina, musicien latino-gaspésien pure laine

Par Véronique O'Leary le 2011/07

En février, Le Mouton NOIR et moi-même recevons un courriel de Juan Sebastian Larobina qui écrit : « J’aimerais vous dire que j’ai lu un article de Tierra y Libertad sur les indigènes zapatistes et cela m’a beaucoup touché. Mon nouvel album s’appelle SoMoS et les sujets que j’aborde touchent des idées sur lesquelles tu a écris dans cette série. Particulièrement le « Nous » des indigènes mayas. » Je lui réponds et de fil en aiguille, dans cette complicité d’esprit, nous décidons de nous rencontrer pour qu’il nous parle de sa musique, nourrie par les deux Amériques, en mouvement vers un autre monde possible.

Véronique O’Leary – Juan Sebastian, comment décrirais-tu ta démarche de création pour ton dernier album Somos (nous sommes) ?

Juan Sebastian Larobina – Pour la première fois, grâce à l’appui du Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ), j’ai eu le temps de créer un album, de me poser des questions pour réaliser une démarche de recherche et de création.

La démarche de recherche consistait à approfondir la musique traditionnelle québécoise. J’avais un penchant pour La Bolduc. J’ai travaillé avec Yves Lambert, pour mieux connaître la musique traditionnelle québécoise et la tradition orale, et avec Steve Normandin, qui est un grand connaisseur de la musique québécoise et française. Nous avons échangé ensemble sur l’histoire de La Bolduc, j’ai lu des biographies… J’ai appris tout de cette grande dame de la chanson ! Grâce à ces rencontres, je me suis fait offrir un travail comme recherchiste à Radio-Canada pour une émission spéciale sur La Bolduc, car on fêtait le 70e anniversaire de son décès le 20 février dernier. J’ai fait le tour.

En 1999, lors d’un voyage aux Îles-de-la-Madeleine, j’ai découvert une façon de connecter les deux pôles, la musique du Nord et la musique du Sud, et j’ai essayé de trouver un équilibre entre ces deux univers pour créer une musique Nord-Sud. En 2005, j’ai enregistré l’album live Norte-Sur. Ensuite, j’ai poursuivi l’exploration mais dans la même lignée, la même direction. Je voulais faire quelque chose de plus subtil, d’hybride, quelque chose qui consciemment soit le résultat de ce que je suis, quelque chose de très authentique. Je me suis posé des questions existentielles et je suis allé au-delà de moi-même, de ma petite personne.

Je devais trouver d’où je venais pour savoir où j’allais, j’ai effectué une étude généalogique pour connaître mes origines. J’ai appris que mes grands-parents avaient immigré de l’Italie et du Portugal pour l’Argentine, l’endroit où je suis né. C’est pour ça que je dis que j’ai été semé en Argentine, que j’ai grandi au Mexique puis que j’ai fleuri en Gaspésie.

J’ai écrit une chanson qui s’appelle Todos somos africanos et qui est inspiré de Lucy. Lucy est le plus ancien être humain qu’on a trouvé sur la Terre, en Afrique. J’ai fait cette chanson qui dit que nous venons tous de l’Afrique et que nous sommes tous de la même race, tous les êtres humains, sans différences, sans frontières. Tranquillement, on est passé dans un temps terrestre où les frontières existent plus que jamais, où tout est séparé, les langues, les couleurs ; maintenant, on dépend des passeports et des visas pour voyager d’un côté à l’autre.

J’ai aussi été touché par Bob Marley qui chantait One world. Aujourd’hui, avec les voyages et la mondialisation, nous vivons de plus en plus cette réalité : le mélange des cultures.

Todos somos africanos a inspiré la démarche de mon dernier album : somos est un mot très puissant parce qu’en espagnol, ça s’écrit « s-o-m-o-s », c’est un palindrome. Il se lit dans un sens et dans l’autre, alors ça marque aussi les allers-retours.

Tout ça pour dire que je me sens citoyen du monde. Je me sens chez nous au Québec, au Mexique et en Argentine. Cet enracinement argentino-mexicano-québecois ne peut être soustrait de moi, c’est une addition, c’est dans ma musique et mes chansons.

V. O’L.– Comment avez-vous travaillé pour réaliser l’album ?

J. S. L. – Tout le long de l’album, le mot d’ordre était : « trouver la simplicité ». Nous sommes allés vers quelque chose d’organique. C’était super important de sortir des sentiers battus. On a enregistré l’album avec l’idée que s’il manquait d’électricité, tout pourrait fonctionner quand même : tout est acoustique. On a enregistré ensemble comme dans le temps. Roots avec de la fraîcheur ! Les musiciens qui m’accompagnent sont des virtuoses, mais arriver à la simplicité, ce n’est pas facile. Épurer, jouer très peu pour que chaque note ressorte, c’est un peu le chemin qu’on a pris.

On a fait cet album avec vraiment peu de moyens, dans un petit studio au milieu du bois sur le bord de la rivière à Sainte-Mélanie, où Yves Lambert pratiquait avec La Bottine souriante. L’endroit est mythique et avait déjà une charge énergétique positive, c’était magnifique. La Pruche libre est ma compagnie de disques et Françoise Boudrias est ma gérante. Elle a été celle de La Bottine souriante pendant 25 ans.

J’ai réalisé cet album avec mon complice Rémi Giguère. Nous n’avions pas d’expérience en réalisation, mais on s’est dit : « on sait ce qu’on veut, on va faire les choix et on va faire un album qui nous ressemble, quelque chose de brut ». On ne voulait pas un album léché, du son aseptisé, parfait, on voulait l’imperfection des êtres humains, l’imperfection qui nous ressemble, et ça s’entend dans l’album. Louis Simon Hêtu a fait la prise de son, c’est un magicien, un technicien incroyable avec une patience extraordinaire. Avec lui, on a travaillé en confiance et on a fait ça en 10 jours. Ensuite, 10 jours pour mixer et peaufiner.

V. O’L. – Quels sont tes projets pour l’avenir ?

J. S. L. – Je souhaite tourner le plus possible avec ce spectacle. Mon but à long terme, c’est de pouvoir le partager avec les hispanophones, parce que l’album est en grande partie en espagnol. Mon plus grand bonheur, c’est quand les gens comprennent le texte. C’est juste quand je suis arrivé à Montréal, après 10 ans en Gaspésie, que je me suis rendu compte de la présence de l’espagnol. Beaucoup de gens réagissaient à mes textes, et c’était nouveau pour moi. Ça fait une différence de chanter en espagnol pour des gens qui comprennent l’espagnol.

V. O’L. – Est-ce que tu envisages d’écrire plus en français ?

J. S. L. – Oui. Je fais déjà beaucoup de collaborations en français, avec des gens qui m’écrivent des textes où je mets la musique. J’ai quand même quatre ou cinq chansons en français, pas assez fluides à mon goût pour en faire un album, mais ça viendra. Ça fait 10-12 ans que je parle la langue d’ici, mais pour écrire des bons textes en français, je me laisse le temps de mûrir.

V. O’L. – Et pour cet été ?

J. S. L. – Pour l’été 2011, on fait les FrancoFolies en juin et la tournée du Roseq dans l’est du Québec. Pour moi, c’est le fun parce que je retourne chez nous en Gaspésie avec mon nouvel album ; ça fait quatre ans que je suis parti. J’ai beaucoup aimé aussi le contact avec Audition Musik à Rimouski, ces gens m’ont beaucoup aidé, ils ont mis mon album Norte-Sur sur le poste d’écoute et ça a contribué à faire entendre et aimer ma musique.

V. O’L. – Merci beaucoup Juan Sebastian et bon retour en Gaspésie pour nous faire entendre ta musique argentino-mexicano-gaspésienne. Madame Bolduc serait sûrement joyeuse d’être avec vous !

Tournée été 2011

23 Juillet Café de la grande école, Natashquan

29 Juillet Festival international des Rythmes du Monde, Chicoutimi

6 Août La Ronde, Montréal

14 Août Festival Musique du Bout du Monde, Gaspé

18 Août Théâtre de la Vieille Forge, Petite Vallée

19 Août Vieux Théâtre de Saint-Fabien, Saint-Fabien

20 Août Salle de spectacles régionale Desjardins, New Richmond

23 Août Les Pas Perdus, Îles-de-la-Madeleine

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Merci Gerry !

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