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Inondations dans l’Est du Québec : une réflexion de fond s’impose

Par Nicolas Paquet le 2011/07
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Inondations dans l’Est du Québec : une réflexion de fond s’impose

Par Nicolas Paquet le 2011/07

Acte de Dieu, caprice de dame Nature ou changements climatiques ? Quoi qu’il en soit, les dégats causés par les grandes marées qui ont frappé l’Est du Québec, en décembre dernier, révèlent la nécessité d’une réflexion collective de fond sur le développement régional et l’aménagement du territoire dans une perspective d’adaptation aux changements climatiques. Ces événements témoignent de la nécessaire implication des divers paliers du gouvernement envers les phénomènes climatiques extrêmes, dont la récurrence est prédite par de nombreux experts du climat.

Le bilan est lourd : un état d’urgence décrété, des systèmes routiers et ferroviaires perturbés, quelques 150 évacuations, près de 300 maisons inondées, des glissements de terrain et l’affaissement de plusieurs chaussées, la sortie de lit de nombreux cours d’eau et des marées déchaînées. Au total, c’est un grand nombre de régions et de municipalités du Québec qui ont été atteintes.

Ces événements nous renseignent sur les liens entre l’adaptation aux changements climatiques, le développement régional et l’aménagement du territoire. En effet, comment expliquer que la Côte-Nord se soit révélée moins vulnérable aux mêmes intempéries que les régions de la rive sud du fleuve Saint-Laurent ? Une partie de la réponse se trouve dans la plus grande distance entre les zones habitées et les cours d’eau, qui a grandement réduit l’ampleur des dégâts. Il est donc impératif que les différents paliers gouvernementaux s’engagent à développer une réflexion stratégique et des pratiques innovantes liant ces trois enjeux, dans une perspective de court, moyen et long terme.

Les événements survenus dans l’Est du Québec sont certes inhabituels, voire extraordinaires. Néanmoins, de nombreux experts du climat prédisent depuis quelques années déjà une augmentation des événements extrêmes avec l’avènement des changements climatiques. Dans cette optique, les inondations de décembre font singulièrement échos aux inondations de 2007 à Rivière-au-Renard. Bien qu’il faille être prudent dans la détermination d’une causalité simple, l’enjeu planétaire du climat n’est pas une « nouveauté ». Les inondations de 2010 nous enseignent l’importance de ne pas nier ou ignorer l’horizon trouble que cet enjeu fait planer et la responsabilité éthique qu’il suppose. Elles remettent aussi à l’ordre du jour le phénomène de l’érosion des berges, une problématique connue et qui a déjà fait l’objet d’un programme de protection des rives du gouvernement fédéral, cependant aboli en 1997. Tout cela n’est donc pas neuf ! Ce qui l’est, toutefois, c’est l’identification de nouveaux phénomènes environnementaux, comme l’absence anormale de glace sur les cours d’eau à ce moment de l’année, et qui a largement contribué à l’ampleur des hautes marées qui ont frappé le littoral.

C’est pourquoi le climat changeant et l’horizon d’une multiplication de ces manifestations climatiques extrêmes exigent des mesures adaptatives et préventives. Trop rares sont les interventions qui envisagent de réviser notre façon de développer et d’aménager le territoire en lien avec l’adaptation. Le défi est le suivant : voulons-nous et sommes-nous en mesure de modifier nos manières de construire, de nous déplacer, de produire, de consommer, d’habiter afin de diminuer notre vulnérabilité aux changements climatiques ? Le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral tardent à faire de l’adaptation une priorité transversale de leur agenda politique. La chose est d’autant plus importante que c’est principalement l’action des pouvoirs publics qui peut organiser de manière cohérente la « transition climatique » et les changements de normes et de pratiques qui s’imposent.

Constatant les dégâts des inondations, la députée de Bonaventure et vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau, a affirmé que son gouvernement devait « commencer » une réflexion pour se préparer à la récurrence de ces manifestations extrêmes. Or, cette réflexion est amorcée depuis plusieurs années au sein des différentes administrations publiques du Québec et du Canada ! En effet, destinés à la fois au public et aux décideurs, de nombreux rapports, guides, recherches scientifiques et recommandations sont produits par des organismes gouvernementaux. Mentionnons Environnement Canada (EC), Santé Canada (SC), la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (TRNEE), Pêches et Océans Canada (MPO), le Commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD), la Sécurité publique du Québec, Transports Québec (MTQ) et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), pour ne nommer que ceux-là.

Quant au gouvernement de Stephen Harper, les changements climatiques ne figurent pas sur sa liste de priorités. Moins connu du public est le mépris avec lequel ce gouvernement considère la recherche liée aux changements climatiques, aux impacts sur la santé et aux façons de s’y adapter. La « discrétion » semble être son modus operandi quant à la diffusion et à l’accessibilité des rapports de recherche. Le gouvernement fédéral n’ignore pourtant pas les effets des changements climatiques, si l’on considère l’énoncé de la politique étrangère du Canada pour la défense de la souveraineté canadienne dans l’Arctique, ou encore le déploiement des Forces armées canadiennes à l’étranger dans des conflits liés au climat.

Puisque la vulnérabilité aux changements climatiques est inégalement répartie et vécue sur l’ensemble du territoire québécois, c’est à l’échelle locale que les réponses d’adaptation doivent être envisagées pour être efficaces. Si les municipalités et les MRC sont les plus aptes à agir, étant donné leur connaissance des enjeux et des acteurs locaux, ces entités politiques sont toutefois dépendantes des autres paliers de gouvernement, forts « timides » sur cette question. Il est possible qu’à terme l’adaptation aux changements climatiques appelle à renouveler les paramètres de réflexion sur la décentralisation politico-administrative ainsi que sur la « question régionale ». Quoi qu’il en soit, il s’avère important de travailler à un arrimage adéquat entre les orientations plus globales de l’adaptation et son opérationnalisation à l’échelle locale.

L’adaptation réfère à la capacité de changer, de s’acclimater, de s’ajuster. Comparativement aux écosystèmes qui s’adaptent a posteriori, l’être humain et les systèmes sociaux dans lesquels il évolue ont la capacité d’anticiper et d’évaluer le type et l’ampleur des menaces extérieures à venir. Ce grand avantage nous permet d’adopter des mesures d’adaptation proactives plutôt que réactives. À cet égard, l’économiste britannique Nicholas Stern avance que l’inaction face aux changements climatiques est plus coûteuse que la mise en œuvre de stratégies telles que la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ou l’adaptation1.

Une perspective conséquente d’adaptation aux changements climatiques supposerait donc la mise au point d’une nouvelle forme de développement régional et d’aménagement du territoire.

Nicolas Paquet est étudiant à la maîtrise en urbanisme à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal. Virginie Larivière est étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Montréal et associée à la Chaire d’études sur les écosystèmes urbains.

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Note :

1. Dans Nicholas Stern, The Economics of Climate Change : The Stern Review, Cambridge, Cambridge UP, 2007

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