Le 9 décembre 2010, un avant-projet de loi sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme a été déposé à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi se veut une adaptation aux nombreux changements qui se sont produits dans la société et au Québec depuis une trentaine d’années et doit remplacer la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme adoptée en 1979. Cette loi de 1979 a établi un cadre d’aménagement du territoire au Québec. Elle a entraîné la formation des MRC et rendu obligatoires les plans d’urbanisme dans les municipalités et les schémas d’aménagement dans les MRC. Elle a aussi accordé une plus grande place aux citoyens dans la gestion de l’aménagement de leur territoire. Or, la nouvelle loi qui s’inscrit entre autres sous le signe de l’efficacité des élus risque d’entraîner un net recul en regard du contrôle des individus sur la gestion de leur espace de vie.
L’avant-projet de loi veut rendre « le système de planification moins lourd et plus efficient ». Ce faisant, il allège les processus de consultation obligatoire, augmente le pouvoir discrétionnaire des élus et diminue le pouvoir et la portée d’intervention des individus concernés. Cela risque d’entraîner des orientations et des projets d’aménagement pour lesquels les citoyens directement affectés vont être dans l’impossibilité de faire opposition s’ils les considèrent susceptibles de dévaloriser leur cadre de vie. Mais de plus, les nouvelles dispositions de la loi augmentent les probabilités qu’ils ne soient même pas informés de changements majeurs ou non voulus dans leur voisinage immédiat.
En fonction de la loi en vigueur, les résidents ont la possibilité d’empêcher une modification de zonage qui porte atteinte à la qualité de leur milieu de vie. Cette intervention est toutefois un processus difficile qui risque de l’être davantage avec la nouvelle loi et qui ne sera même plus possible dans les nouvelles zones franches d’approbation référendaire. Actuellement, toute modification de zonage doit faire l’objet d’avis dans les journaux contenant une carte de localisation permettant d’identifier le territoire concerné et la nature des changements proposés. Or, l’information figurant sur les cartes est habituellement très déficiente, ne fournissant que des numéros de cadastres, des numéros de zones et des noms de rue illisibles. La nature des changements projetés est aussi généralement très sommaire. Au lieu de demander d’améliorer ces informations, l’avant-projet de loi laisse entendre que l’information peut être approximative, quitte à ce que des renseignements plus précis soient fournis au bureau de la municipalité. C’est en quelque sorte un encouragement à en dire le moins possible concernant le secteur et la nature des changements projetés. Fait assez significatif en ce sens, les municipalités ne sont même pas invitées à utiliser Internet pour informer les citoyens sur les modifications de zonage.
Mais l’aspect le plus inquiétant de l’avant-projet de loi se situe dans ces nouvelles zones franches d’approbation référendaire. L’article 82 indique que le plan d’urbanisme « peut délimiter toute partie de son territoire qu’il juge devoir faire l’objet de rénovation urbaine, de réhabilitation ou de densification qu’il définit en tant que zone franche d’approbation référendaire à l’intérieur de laquelle aucune modification réglementaire ne sera sujette à approbation référendaire ». Cela veut dire que n’importe quelle partie d’une municipalité peut devenir une zone franche où les résidents seront dans l’impossibilité d’empêcher une modification de zonage non acceptée et considérée nuisible à leur qualité de vie. C’est une porte ouverte aux promoteurs qui pourront faire changer les normes et les usages pour la réalisation de n’importe quel projet sans avoir à se soucier de l’avis des résidents. Si l’on se réfère aux pratiques actuelles, on peut craindre des réalisations effectuées au détriment de la compatibilité des fonctions, de l’harmonie des formes et de l’esthétisme du milieu.
Le fait d’autoriser les zones franches pour des fins de réhabilitation et de densification permet de les implanter partout, même en milieu rural ou dans des quartiers résidentiels urbains. La densification du tissu de peuplement est un objectif que poursuit le gouvernement depuis au moins une quinzaine d’années. On la souhaite pour des raisons d’économie, mais aussi parce qu’on l’associe au développement durable. Cela veut dire que des résidents qui se croyaient protégés par leur règlement de zonage contre toute utilisation du sol non souhaitée pourront voir de gros blocs à logements se dresser dans leur quartier sans qu’ils ne puissent rien faire pour empêcher leur construction.
Tout le processus de consultation en amont des changements des plans et règlements d’urbanisme est simplifié et laissé en partie à la discrétion des municipalités qui les entreprennent. L’obligation de publication des modifications projetées est assouplie et il appartiendra aux personnes qui auront la chance d’être averties et qui souhaitent être mieux informées d’aller chercher les documents appropriés au bureau de la municipalité. Lorsqu’elles modifieront ou remplaceront leur plan d’urbanisme, pour y introduire par exemple de nouvelles zones franches, les municipalités ne seront tenues qu’à une assemblée publique de consultation dont elles auront à déterminer les modalités.
Un autre élément qui s’inscrit dans la volonté de consulter le moins possible consiste en la possibilité pour des municipalités de se soustraire à l’obligation de tenir une séance d’information publique lors de l’implantation de nouvelles porcheries. C’est un recul significatif à l’égard d’un droit acquis récemment après de fortes mobilisations populaires.
Cette nouvelle loi va avoir des impacts majeurs sur la qualité de l’aménagement et la vie de nombreux individus. Il serait donc important que les citoyens fassent connaître leur point de vue sur son contenu au ministre responsable durant la période de consultation en cours.