Je l’avoue sincèrement, j’apprécie énormément Pierre Dubuc. L’homme et le militant. Je milite à ses côtés au Parti québécois et au sein du club politique indépendantiste Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre (SPQ Libre), et je partage bon nombre de ses analyses politiques et sociales. J’aime également le polémiste, qui ne dédaigne pas brasser la cage de temps à autre. Et à gauche, s.v.p.
En ces temps où l’obscurantisme conservateur étend à nouveau son voile, où parler d’indépendance nationale, de syndicalisme ou de mesures sociales tient de l’hérésie, Pour une gauche à gauche, son nouvel ouvrage, offre une réflexion stimulante pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à l’évolution de la pensée nationale et progressiste au Québec. Concocté au fil des derniers mois afin de répondre aux propositions sociales et linguistiques de Jean-François Lisée (commentateur politique bien connu, qui se réclame également de la gauche, mais d’une «gauche efficace»), ce livre de Pierre Dubuc ramène à l’avant-plan un projet d’indépendance nationale résolument à gauche, en proposant une critique parfois acerbe des prétentions progressistes de la prétendue gauche efficace de son vis-à-vis.
Une gauche « efficace »?
Jean-François Lisée a développé et présenté ce concept de «gauche efficace» dans plusieurs livres et sur son blogue du magazine L’Actualité. Cet ex-conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard a multiplié les interventions au cours des dernières années. Il suggère de dépoussiérer certaines idées et certaines orientations de la gauche dite traditionnelle afin de les soumettre à un remodelage idéologique qui laisse souvent pantois.
C’est donc à cette gauche efficace que s’est attaqué Pierre Dubuc dans Pour une gauche à gauche. L’auteur s’est livré à une analyse fine et documentée des propositions sociales et linguistiques de Lisée, soulignant d’entrée de jeu qu’il «en a adopté certaines, complété d’autres et malheureusement réfuté plusieurs». Tout au long de ces 200 pages, l’auteur nous livre une véritable leçon d’histoire politique récente tout en détricotant avec aplomb les pistes dégagées par Jean-François Lisée, qui suggère entre autres de transformer les syndicats de la fonction publique en «organisations entrepreneuriales syndicales» afin de stimuler leur productivité et redorer leur image dans l’opinion publique. C’est ce même Lisée qui soumet également l’idée de rémunérer les directeurs d’écoles et les enseignants en fonction du taux de réussite des élèves fréquentant leurs institutions. Une gauche efficace aux relents de droite, me direz-vous?
Alimenter le débat
À bien des égards, Lisée et Dubuc partagent certaines préoccupations et certains constats. L’idée d’instaurer une citoyenneté québécoise, par exemple, de véritablement placer l’éducation au cœur du projet national ou encore de défendre le Québec français sied parfaitement aux deux protagonistes. C’est véritablement quand il est question de stratégies ou de solutions à mettre de l’avant pour répondre à ces préoccupations que la route des deux hommes se sépare. Et le débat s’avère ici très stimulant.
Directeur et rédacteur en chef de L’aut’journal, un mensuel progressiste et indépendantiste, Pierre Dubuc travaille sans relâche depuis plus de 25 ans à entretenir la ferveur et la réflexion du mouvement de libération nationale. Pour une gauche à gauche s’inscrit une fois de plus dans cette saine démarche démocratique qui consiste à alimenter le débat public et à faire avancer notre société sur le chemin de son émancipation sociale et de sa libération nationale.On ne peut que saluer ce patient et riche travail, qui saura assurément alimenter la réflexion autant chez les indépendantistes et les progressistes que chez celles et ceux qui ont véritablement à cœur l’émancipation du peuple québécois.