Certains politiciens poussent la chansonnette pour montrer qu’ils sont décoincés (ce dont on peut douter). Loin de nous ravir, cette médiocre mascarade nous fait regretter une époque pas si lointaine où d’autres politiciens affichaient une culture non guindée. Une culture qu’on sentait battre, qui n’était pas le résultat du travail d’un conseiller en communication dont le credo est stratégie, marketing, conditionnement. J’ai récemment eu le plaisir de me laisser bercer par la verve d’un poète député. Simon Beaulieu, le recherchiste, scénariste et réalisateur du documentaire Godin, a travaillé six ans pour livrer un véritable poème visuel sur un homme total. Un portrait qui vous prend par le cœur.
Le documentaire dévoile le parcours de Gérald Godin, un être qui était fasciné par les gens, par le réel. Il se mêlait à tout le monde et pouvait parler aux ouvriers, au patron, aller dans un bar ou dans un parlement et toujours comprendre la dynamique propre à chaque milieu. En ce sens, Godin était d’abord un homme d’action. Il aimait les gens dans leurs différences. Comme le dit Réjean Ducharme dans la préface d’Ils ne demandaient qu’à brûler : « Un grand comédien, dans le fond, c’est quelqu’un qui se prend pour un grand comédien, qui fait tellement bien semblant d’être un grand comédien, qu’on se fait avoir. On peut toujours se prendre pour soi. Mais quand on aime les autres, quand c’est les autres qu’on trouve beaux, on n’a pas le choix : on se prend pour un autre, sinon pour plusieurs autres. » Godin, c’est comme Superman, un gars ordinaire qui n’était pas destiné à la politique, mais qui a choisi de faire comme si c’était une mission. Il voulait offrir sa voix au peuple; il voulait donner à l’existence une dimension plus aboutie, plus passionnelle, comme si le summum d’une vie, c’était de se dire qu’on se refait un pays en mettant en œuvre les désirs articulés par la voix du peuple.
Accompagné par le chant de Pauline Julien, sa compagne de toujours, ce film offre des moments inouïs allant de la Révolution tranquille jusqu’au référendum de 1980, en passant par la Crise d’octobre. Il faut d’ailleurs ajouter que la vision des événements présentés dans le documentaire défie les idées reçues et est, en tous points, audacieuse. Simon Beaulieu me disait, dans une entrevue disponible sur le site web du Mouton NOIR, qu’il avait voulu recycler des images d’archives pour en faire sortir la mémoire d’une époque. Travail accompli. À voir, les yeux grands ouverts.
À voir au Cinéma Paraloeil le 29 mars à 19h30, à la Coop Paradis
L’entrevue de Xavier Martel avec le réalisateur Simon Beaulieu sera disponible en ligne très bientôt.
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