Actualité

Le développement social en région

Par Alain Gaba le 2011/03
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Le développement social en région

Par Alain Gaba le 2011/03

Je trouve particulièrement juste de parler de « développement social », qui concerne directement la qualité de vie des populations et qui doit remettre à sa place le « développement durable », qui lui s’attache au profit maximum des compagnies1.

L’enjeu du développement social en région touche les conditions de vie des habitants ruraux en relation directe avec ceux des villes. Il y a un gros travail collectif à entreprendre en ce qui concerne les rapports entre le monde urbain et le monde rural. L’écart se creuse de plus en plus, au profit des villes qui « assèchent » la ruralité pour leurs propres intérêts. On pourrait imaginer une « ville rurale », c’est-à-dire une ville où l’on traite du développement sans contribuer à la dévitalisation du monde rural. Les fusions et autres annexions sont des opportunités qui devraient aider à mettre sur la table ces rapports urbains-ruraux; les conseils municipaux des villes deviennent aussi ceux des territoires ruraux annexés. Mais hélas, les élus ne parlent que très rarement des problématiques de l’agriculture et plus généralement de ruralité.

En parler régulièrement pourrait permettre de définir ensemble des objectifs qui tiennent compte des réalités locales.

Tout d’abord, il faut reconstruire la solidarité détruite par la consommation à outrance et la compétition. La création d’espaces de rencontres et d’échanges peut y contribuer : une serre communautaire, un verger conservatoire, une école ouverte à toutes les générations, des manifestations inter-villages, des médias communautaires, des activités culturelles collectives (théâtre d’impro, musique, créations, etc.) sont d’excellents moyens pour redonner une âme à la ruralité. Chaque territoire doit trouver les moyens qui lui sont propres, en fonction de sa situation présente et de son histoire.

Puis, il faut irriguer le milieu rural de l’actualité culturelle. Ainsi, le théâtre, le cinéma, les conférences doivent faire l’objet de tournées qui visitent jusqu’au plus petit village, ou des déplacements collectifs à la ville voisine doivent être organisés. De la même façon qu’il y a un réseau de bibliothèques, on pourrait ouvrir des vidéothèques, ludothèques et autre « thèque »! Je plaisante, mais le rapprochement de plusieurs paroisses, de plusieurs écoles, de plusieurs organismes communautaires souvent installés en ville ou bien la mise en place de réseaux (bibliobus, vidéobus, etc.) peuvent permettre à la ruralité de ne plus être le parent pauvre de la culture.

C’est alors que le concept de « subvention » doit être remplacé par celui de « contractualisation » : l’argent public est réparti pour atteindre un ou plusieurs de ces objectifs négociés et non pour satisfaire tel ou tel projet conjoncturel. Pour élaborer ces objectifs et créer les moyens de les poursuivre, il y a nécessité d’une formation permanente. Je pense aux pépinières d’entrepreneurs qui soutiennent la création d’entreprises locales, car avant de créer des emplois, il faudra bien développer les activités économiques. Deux principes fondamentaux seront à respecter : revenir à la petite entreprise, artisanale et agricole vivrière en abandonnant cette idée qu’il faut que ce soit « gros » pour être rentable et développer au maximum les initiatives coopératives. C’est un véritable plan d’urgence qui doit être mis en place, les institutions éducatives en seront le moteur. Universités, cégeps, écoles secondaires, formation des adultes, commissions scolaires constitueront un comité permanent de développement qui permettra à envisager, en coordination, la forme de sa participation:  formations, stages pratiques, projets d’étudiants ou d’écoles, etc. Si on parle de coopérativisation, comment vont-elles soutenir cet objectif? Si on parle de valorisation du patrimoine rural, comment vont-elles y participer? Ces institutions doivent être au cœur de la ruralité.

Pour mobiliser le maximum de force vive et ouvrir au plus grand les possibilités de développement, il serait bon de créer ce que j’ai appelé les ZED : des Zones d’éducation et de développement. Il ne s’agit pas d’entrer en concurrence avec les MRC, mais de coller avec les réalités humaines du moment pour coopérativiser les moyens de développement : l’école, l’éducation des adultes, les activités sportives et culturelles, etc. On peut imaginer alors une meilleure répartition des investissements (écoles, patinoires, arénas, centres de santé, etc.) ou bien la mobilisation coordonnée des énergies au service de la population (soutien à domicile des personnes âgées, valorisation des produits du terroir, déplacements, etc.)

La préoccupation intergénérationnelle doit être permanente dans tous les compartiments de la vie sociale, économique et culturelle. La transmission du patrimoine culturel immatériel, ainsi nommé par l’UNESCO, est vitale pour la ruralité. L’histoire est comme une colonne vertébrale, c’est elle qui soutient le corps social et culturel. Ainsi, l’école doit s’ouvrir largement à nos aînés qui retrouveront une utilité incontestable dans le milieu. Certaines actions de tutorat se mettent en place, par exemple dans les activités forestières, c’est vraiment une bonne piste.

Je ne peux conclure cet article sans évoquer les menaces qui pèsent sur nos terres, celles que nous devons léguer à nos petits-enfants. Déjà appauvries par la course aux rendements, voilà que les terres arables sont devenues des produits très recherchés. Le Courrier international annonce : « En Afrique et en Asie, plus de 30 millions d’hectares sont désormais contrôlés et cultivés par des intérêts étrangers. Une catastrophe pour les paysans locaux. » La question prend une telle importance que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’en inquiète. Au Québec, des entreprises chinoises s’intéressent aux terres arables. Et la Chine n’est pas seule; des groupes financiers américains, des firmes d’investissement canadiennes sont également acheteurs! Tel qu’il est proposé dans La ruralité à la conquête d’un équilibre perdu, la création d’un organisme paritaire permettrait de contrôler les ventes de terres cultivables et la préservation du patrimoine au profit de nos enfants et petits-enfants.

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Notes :

1. Voir à ce sujet le débat entre les partisans du produit intérieur brut (PIB) et ceux de l’indice de développement humain (IDH) (www.letudiant.fr/boite-a-docs).

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