Dakar, 9 février 2011.
En s’inscrivant au Forum social mondial, on se doutait bien que l’organisation ne serait pas facile, puisque des événements de cette envergure sont complexes à coordonner. À cela s’ajoute la réalité africaine, où le temps n’est pas calculé selon nos mesures occidentales. Première confrontation culturelle. Nous avons dû adapter la vitesse de nos pas sur le site de l’Université Cheikh Anta Diop, qui est grand comme un petit village québécois. Deuxième confrontation culturelle : nos attentes face à l’organisation des conférences. Un horaire qu’on distribue le matin même, une demi-heure après le début des conférences, et qu’on éparpille parmi la foule qui joue du coude pour l’obtenir… Et puis une fois que l’on a mis la main sur un horaire, la recherche des locaux est en soi une épopée qui peut souvent se terminer par un échec ou par une conférence improvisée sous une tente, où se mêlent les voix des intervenants et le jam des tamtams. Troisième confrontation. Ici, pas nécessairement de micro pour les grandes salles, pas nécessairement de local non plus! Une fluidité des paroles entrecoupées par des traductions en français, en wolof, en anglais, en bambara, etc., ce qui ajoute à la fatigue des journées bien remplies. Pas facile de se concentrer…
Après avoir trouvé une conférence, pas nécessairement celle qui nous intéressait au début, nous sommes souvent confrontées à la réalité des participants. Ceux-ci ont besoin d’un espace pour s’exprimer et se sentir unis. C’est pourquoi il arrive souvent que les propositions de plans d’action ou de solutions soient écourtées par des témoignages certes fort intéressants et touchants, mais qui, quatrième confrontation, nous laissent un peu sur notre faim de solutions plus concrètes.
Alors on réalise que c’est partout pareil : se mobiliser dans l’action est un défi d’envergure. Les gens ont besoin d’une tribune pour s’exprimer et sentir qu’ils ne sont pas seuls dans leurs difficultés. À travers ces témoignages, on sent une fébrilité qui nous pousse vers une solidarité dans un état de préparation à un grand mouvement. Ici, on parle beaucoup d’Afrique unie, de mobilisation des moins riches, de réappropriation des ressources vendues pour des peanuts à l’Occident.
Les premiers jours du Forum auront donc été une redirection de nos attentes vers des rencontres d’information, plutôt que vers l’élaboration d’un plan de match altermondialiste concret. Nous croyons que les deux prochains jours seront plutôt orientés vers des solutions et des suggestions d’actions. Aurons-nous, encore une fois, à revoir nos attentes?
Malgré les problèmes de logistique, les longues marches à la recherche des conférences nous ont permis de rencontrer des dizaines de personnes, d’ici ou d’ailleurs, qui partagent tout comme nous le souhait d’un monde plus juste. Au-delà des propos théoriques des conférenciers, la plus grande source d’inspiration est probablement la teranga. La fraternité, la solidarité et la tolérance qui transparaissent ici, partout dans la vie quotidienne des gens, sera probablement l’une des plus grandes leçons que nous retirerons de notre périple sénégalais.