Au Québec, comme partout dans le monde occidentalisé, nous touchons aux limites de nos institutions démocratiques. Même si nous savons qu’il y a toujours eu de la corruption, il est devenu évident que les intérêts privés, forts du pouvoir tentaculaire que leur donne l’intégration économique actuelle et profitant des failles d’un système électoral et parlementaire qui confère le pouvoir absolu au parti politique dominant, ont pratiquement fait mainmise sur notre démocratie, notre territoire et nos biens collectifs. Comme citoyens, nous sommes réduits au statut de consommateurs branchés, mais non moins dépendants et impuissants.
Absence de solutions
Mais au-delà de la dénonciation, il faut chercher des solutions, sans quoi l’impuissance et le cynisme des citoyens, ensevelis sous cet amoncellement de faits désespérants, ne feront qu’augmenter.
Or, ce qui frappe actuellement, c’est l’absence de solutions chez ceux qui ont le devoir d’en présenter. Le gouvernement libéral n’a rien d’autre à proposer que des enquêtes judiciaires et quelques resserrements des contrôles ici ou là. L’opposition parlementaire et civile réclame une commission d’enquête omnibus et la démission de Jean Charest. Toutes ces enquêtes et ces purges sont évidemment nécessaires pour y voir plus clair et plus net, mais cela ne nous avance guère sur les solutions à apporter à cette dérive de la démocratie libérale. Nos universitaires et autres penseurs sociaux ou politiques ne sont pas plus loquaces sur les alternatives politiques à envisager. Et il y a toujours un bonze quelque part pour nous rappeler que tous les systèmes électoraux et parlementaires ont leurs défauts. Il y a bien des groupes de citoyens qui se défendent ici et là – sans succès la plupart du temps – contre l’invasion de leur territoire par des projets privés, ou la génération Y qui est sortie récemment de son indifférence (Génération d’idées), ou les écologistes qui sonnent l’alarme autour de la planète, mais leurs propositions sont encore loin de constituer un nouveau projet politique rassembleur.
Réinventer la démocratie
Quand on aura fini d’enquêter et de dénoncer, il faudra bien se résoudre à s’attaquer au nœud du problème : nos institutions démocratiques, électorales, parlementaires et territoriales. Une réforme complète de nos institutions s’impose si on veut redonner aux citoyens le contrôle démocratique sur les décisions qui concernent nos ressources et nos biens collectifs. Notre système électoral prête à toutes les distorsions et à toutes les collusions; notre système parlementaire confère un pouvoir si absolu au parti dominant qu’il annule tout pouvoir réel aux députés qu’on élit; nos instances territoriales sont si dépendantes de Québec qu’elles ne permettent pas aux citoyens d’avoir une prise sur les décisions qui concernent l’organisation et le développement de leur communauté et de leur territoire; nos lois ignorent en grande partie les finalités sociales et écologiques de l’économie. Pas étonnant que les citoyens se sentent trompés et impuissants.
La mise à jour de la démocratie libérale devra aussi intégrer une gamme nouvelle de mécanismes de démocratie directe qui sont rendus possibles aujourd’hui grâce aux médias interactifs. Il y a quelque chose de frustrant à subir des élections aux quatre ans et des commissions d’enquêtes qui durent des années et coûtent des fortunes alors que, dans tous les autres secteurs d’activité, les gens peuvent se renseigner et intervenir sur tout, en tout temps, et de n’importe où. Les citoyens doivent pouvoir intervenir de façon contraignante dans les décisions politiques entre les élections. Rien ne justifie plus qu’un premier ministre ou un élu quelconque jouisse d’un pouvoir absolu à l’intérieur d’un mandat électoral. C’est le sens de la pétition qui demande la démission de Jean Charest, n’en déplaise à tous les mandarins de service.
Plutôt que de nous rejouer la cassette qu’on entend depuis plus d’un an à l’Assemblée nationale, il serait temps que les politiciens et les leaders ouvrent le débat sur la réforme en profondeur de nos institutions démocratiques et territoriales. Et si leurs intérêts partisans les rendent inaptes à tenir un tel débat, qu’ils appellent l’élection d’une assemblée constituante qui aura pour tâche d’élaborer avec la population une constitution québécoise qui nous permettrait de refonder et de reconstituer le Québec en définissant ce que nous sommes, ce que nous voulons être et comment nous voulons nous gouverner, et ce, tant à l’échelle locale qu’internationale.
Réapprendre la démocratie
C’est un vaste chantier qu’il faut entreprendre, à tous les niveaux, pour réinventer la démocratie politique et économique, réapprendre la vie collective, surmonter la culture de la dépendance résignée, de la consommation compulsive et de la richesse individuelle.
Et pour commencer, une équipe a mis en ligne un site qui permettra à tous ceux et celles qui le désirent de faire l’expérience de cette démocratie directe qu’il faut inventer. C’est notre contribution et cadeau à tous en ce début d’année 2011. Bienvenue dans la République citoyenne (www.quebecvote.ca).