Une aire marine protégée (AMP) est un espace recouvert temporairement ou en permanence d’eau salée ainsi que toute la colonne d’eau, sa flore, sa faune et ses ressources historiques et culturelles, mis en réserve par une loi ou d’autres moyens efficaces pour lui accorder une protection totale ou partielle. Les activités récréatives et commerciales y sont permises tout en limitant leur pratique, dans certaines zones, afin de conserver la biodiversité du milieu marin pour les générations actuelles et futures.
Les AMP ont des effets positifs sur les écosystèmes puisque la densité, la biomasse, la taille et la diversité de la majorité des espèces qui y sont présentes sont plus importantes que dans les régions non protégées. Elles permettent entre autres l’augmentation de la diversité et de la taille des poissons, la réapparition d’espèces vulnérables, l’augmentation de la biodiversité et la restauration des écosystèmes en plus d’apporter des retombées positives sur les pêches dans les secteurs périphériques et des avantages sociaux (économiques, éducatifs, touristiques). Pour ces raisons, les AMP sont considérées comme un outil indispensable pour une gestion durable des pêches.
Au Sommet sur le développement durable de Johannesburg (2002), les pays participants, dont le Canada, ont reconnu la nécessité de mettre en place des réseaux représentatifs d’AMP fondés sur des données scientifiques d’ici 2012. Pour sa part, le gouvernement du Québec s’est récemment engagé à protéger 12 % du territoire québécois d’ici 2015, ce qui comprend en principe l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Il n’existe toutefois aucun engagement spécifique au milieu marin. Bien que l’ensemble du territoire québécois compte actuellement 8,14 % d’aires protégées, le milieu marin n’est véritablement protégé qu’à moins de 1 % (le seul exemple réel d’aire marine protégée étant le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, créé en 1998). Plusieurs projets doivent être dépoussiérés pour faire avancer le réseau québécois d’AMP : les Îles-de-la-Madeleine, Manicouagan et l’estuaire du Saint-Laurent en font partie.
Hydrocarbures et AMP
Bien que les AMP ne puissent empêcher le pétrole de s’échapper s’il y a déversement en mer, elles peuvent limiter l’exploration et l’exploitation pétrolière ou gazière à l’intérieur de leurs frontières et, par leur rôle régénérateur de biodiversité, elles permettent une plus grande résilience du milieu marin aux impacts que pourraient avoir les activités humaines (par exemple le cas d’une marée noire) : non seulement une plus grande biodiversité permettra aux espèces les mieux adaptées aux conditions altérées de survivre, mais l’ensemble de l’écosystème sera plus fort pour aider à « nettoyer » les dégâts. Les AMP jouent également le rôle de refuge pour les espèces dont l’espace vital est limité par nos activités (par exemple des mammifères marins dont le système d’écholocalisation serait brouillé par les levés sismiques).
En 2004, le BAPE a publié un rapport sur les enjeux liés aux levés sismiques dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Ce dernier recommandait au gouvernement à la fois de procéder à des évaluations environnementales stratégiques et de mettre en place un réseau d’aires protégées en milieu marin. Aucune aire marine protégée n’a été créée au Québec depuis plus de dix ans. Alors que la Gaspésie et l’Île d’Anticosti sont couvertes de permis d’exploitation d’hydrocarbures, plusieurs craignent que la levée du moratoire qui protège les milieux marins de l’Estuaire et du Golfe, prévue pour 2012, empêche l’établissement d’AMP.
Il est donc crucial de faire passer la conservation avant le développement économique à court terme en milieu marin et d’établir un réel réseau d’AMP avant de considérer la question de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures en milieu marin.
Projet Îles-de-la-Madeleine
Aux Îles de la Madeleine, les projets de prospection pétrolière et gazière dans le Golfe menacent l’intégrité des habitats marins ainsi que de l’ensemble de l’écosystème. Plusieurs intervenants de la conservation marine au Québec croient que pour être cohérent, Québec devrait élargir le projet d’AMP pour couvrir le site convoité par l’industrie pétrolière, Old Harry, et y interdire les activités de prospection afin que les sites de pêche, situés à moins de 15 km de là, ne soient pas davantage menacés. Dans tous les cas, la sagesse impose de prendre un temps d’arrêt avant de procéder à l’exploration et à l’exploitation d’hydrocarbures à Old Harry et dans le reste du Golfe, période qui permettrait entre autres de s’assurer de protéger les sites essentiels au développement des espèces.