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L’éolien en milieu habité : des normes établies par les citoyens?

Par Louise Lefebvre le 2010/06
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L’éolien en milieu habité : des normes établies par les citoyens?

Par Louise Lefebvre le 2010/06

Sainte-Luce, mai 2009, un référendum démontre que le fameux syndrome « pas dans ma cour » galvaudé par les tenants de l’éolien à tout prix n’a plus sa place. En effet, c’est 52 % des électeurs qui en ont décidé ainsi et non plus, au dire du lobby éolien, une petite poignée de récalcitrants. Aux dernières élections municipales de novembre 2009, à Grand-Métis, la municipalité en a profité pour vérifier l’acceptabilité sociale du projet éolien qui sera présenté au prochain appel d’offres communautaire de février 2010. Le résultat démontre la même chose qu’à Sainte-Luce : 52 % des votants de Grand-Métis ne désirent pas de parc éolien dans leur municipalité. Pourtant, le promoteur se dit content du résultat! Une si petite marge, selon lui, est une bonne nouvelle! Espérons que la ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Nathalie Normandeau, qui promet des parcs éoliens qu’aux sites assurant « un niveau d’adhésion très très grand », tiendra sa parole.

Comment se fait-il qu’à la consultation sur le schéma d’aménagement de la Mitis, tenue en mars 2009, cette volonté clairement énoncée par les citoyens présents n’ait pas été considérée? C’est la protection d’une bande de cinq kilomètres tout le long du littoral de la MRC de la Mitis qui était clairement demandée par près de 90 % des gens présents, et les résultats de ces référendums sont clairs : les deux parcs n’ont pas l’aval de la population. L’explication pour le non-respect de cette demande des citoyens? Il semble que la pression exercée sur nos élus ait préséance sur la volonté des contribuables. Dans le registre des lobbyistes du Québec, on y retrouve l’inscription des promoteurs et leur mandat écrit noir sur blanc (hallucinant!) de vouloir faire changer les règlements afin de favoriser leur projet : « Mandat : modification des plans d’aménagement de municipalités pour l’implantation et l’exploitation de parcs éoliens sur le territoire des MRC ou des municipalités, la modification de la législation en matière de contrôles intérimaires, la modifications des règlements municipaux ou de zonage1. »

Jetons un coup d’œil sur d’autres parcs éoliens présentement en projet. À Aguanish, sur la Côte-Nord, ce sont les élus et la population qui rejettent le parc éolien malgré qu’ils aient mis de l’eau dans leur vin, car le promoteur ne voulait pas déroger de son 200 mètres de la route malgré le règlement qui demandait 750 mètres : « Mais j’ai dit, à un moment donné, on va les mettre dans le milieu de la route sur la ligne jaune, raconte le maire Noël. » (Radio-Canada, 7 juillet 2009).

Nathalie Normandeau voit un point singulier dans le projet d’Invenergy, à l’Ascension-de-Patapédia, soit « l’acceptabilité sociale presque parfaite », symbolisée par le fait qu’aucune demande d’audiences publiques n’ait été formulée. Pas difficile de comprendre pourquoi : ce parc éolien sera érigé à une douzaine de kilomètres de la zone habitée la plus proche.

Mais voyons, c’est ce que les citoyens opposés réclament à corps et à cris : Pas d’éoliennes au travers des maisons! Pas d’éoliennes sur mon perron!

« Des chercheurs de l’UQAR présentent les résultats d’une recherche sur l’acceptabilité sociale des projets éoliens (…) Parmi les mesures d’atténuation susceptibles de favoriser un développement harmonieux de la filière éolienne, le document suggère notamment d’éloigner les parcs d’envergure des endroits habités », rapporte Radio-Canada (11 novembre 2009). Faut-il vraiment des études universitaires pour le démontrer?

Au moins, la ministre Normandeau a reconnu la non-acceptabilité sociale des projets de Sainte-Luce et d’Aguanish devant l’Assemblée nationale, en octobre 2009. Vingt citoyens du Québec de quatre parcs éoliens industriels contestés avaient été invités lors de la période de questions de l’opposition en matière d’énergie. Suivent chahut et pression en chambre afin que la ministre accepte de rencontrer les opposants en privé, auxquels elle déclare enfin et clairement que le projet éolien de Sainte-Luce n’aura pas lieu.

À la commission de l’énergie, cette même journée, à la question de Normandeau sur la mécanique de déplacement des parcs éoliens contestés, nous avons droit à une séance de patinage artistique sur un fond de match de ping-pong : Thierry Vandal, PDG d’Hydro-Québec, déclare finalement que ce n’est pas Hydro-Québec qui gère ce dossier, mais bien la Régie de l’énergie! Et aux journalistes, devant la caméra, que ce sont les promoteurs qui doivent gérer l’acceptabilité sociale. Pourtant, c’est Hydro-Québec qui rédige la grille de sélection des parcs! Hydro-Québec n’avait qu’à inscrire l’acceptabilité sociale comme un critère minimum de sélection.

Finalement, quelques jours plus tard, on peut lire dans le plan stratégique d’Hydro-Québec que « le projet de Sainte-Luce est annulé en raison de l’opposition des communautés locales ». On nous fait porter le chapeau (merci de nous reconnaître autant de pouvoir), mais se peut-il qu’il soit annulé plutôt parce que c’était un mauvais projet?

Et qui paiera la note au Québec, maintenant que les promoteurs du dernier appel d’offre ont besoin de plus de 3 milliards de dollars pour concrétiser leur montage financier à cause de la crise financière? La ministre confirme que des promoteurs ont frappé à la porte du gouvernement pour de l’aide. L’aide, vous aurez compris, ce sont les poches des contribuables…

Des contribuables mécontents, il y en avait une cinquantaine à Saint-Léandre, le 7 décembre, à l’inauguration du Jardin d’Éole, des représentants de sept parcs éoliens du Québec contestés ou repoussés. Ils ont manifesté banderoles et pancartes, criant slogans et perturbant la cérémonie où seuls des dignitaires avaient été invités, dont la ministre Normandeau. Éole-Prudence y était afin de manifester son opposition au développement éolien industriel en milieu habité. Le groupe estime qu’une distance de 2000 mètres des habitations serait une norme de compromis minimale acceptable avec une étude préalable des paysages. Les manifestants ont dénoncé les désagréments encourus par la trop grande proximité de certaines éoliennes (jusqu’à 350 mètres) des habitations : bruits, lumières la nuit, effet stroboscopique, paysages dénaturés, routes endommagées, diminution de la valeur des propriétés et conflits dans nos villages. Parmi eux, une délégation de Saint-Ferdinand d’Halifax, qui en sont présentement aux audiences du BAPE, audiences qui malheureusement se retrouvent à la fin du processus. Plus de 125 mémoires de contestation devraient y être présentés, pour qu’enfin tous comprennent que l’éolien ne se fait pas en zone habitée et à tout prix, au détriment de la démocratie.

Avec ces procédures chaotiques, on se retrouve avec des municipalités divisées, à preuve, le nombre inhabituel de candidats qui étaient en liste pour les élections municipales du 1er novembre, là où des projets éoliens sont annoncés. Cela doit être interprété comme un signe supplémentaire de la non-acceptabilité sociale de tels projets en milieu habité. À Sainte-Luce, le porte-parole du mouvement pro-éolien a perdu ses élections à la mairie, et Gaston Gaudreau, nouveau maire, déclare sur les ondes de Radio-Canada Rimouski au lendemain de son élection qu’il n’a pas l’intention de rouvrir le dossier du développement éolien qui a déchiré le dernier conseil municipal : « Pour M. Gaudreau, le dossier est clos puisque le territoire est maintenant protégé par les règlements de la municipalité » (Radio-Canada, 7 octobre 2009).

À surveiller de près pour 2010, les promoteurs étrangers vont sans doute venir faire monter les enchères du vent. Avec les tours de mesure encore dans le paysage, souvenir de Kruger à Sainte-Luce, qui n’a même pas démantelé… difficile de tourner la page.

Note :

1. Voir à cet effet https://www.lobby.gouv.qc.ca/servicespublic/consultation/ConsultationCitoyen.aspx.

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