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2009 : Le marché des personnes âgées explose à Rimouski!

Par Alain Gaba le 2010/01
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2009 : Le marché des personnes âgées explose à Rimouski!

Par Alain Gaba le 2010/01

L’aménagement du territoire des villes aurait été perverti dans les dernières années par des intérêts privés. Et pour faire le ménage dans la maison, l’Ordre des Urbanistes du Québec a réclamé au gouvernement, en novembre dernier, des changements législatifs majeurs. Au nom du bien commun. « Les aberrations ont assez duré et elles imposent un changement de cap important », a déclaré Robert Chicoine, président de l’Ordre (Le Devoir, 14 et 15 novembre 2009).

Le plan d’urbanisme de la ville de Rimouski, mis en place le 13 janvier 1994, est-il encore la référence qui permet d’aménager la ville ou subit-il des modifications au gré de contingences que les habitants ne connaissent pas? Qu’est-ce qui motive les engagements du maire et du député péquiste dans ce projet du secteur privé en plein centre-ville, comme un nouveau nez dans la figure?

Ce plan d’urbanisme, âgé de 15 ans, formulait quelques recommandations pour un centre-ville « où la population aimera vivre, circuler et travailler », dont l’aménagement d’un réseau continu de liens piétonniers dans le secteur des rues Saint-Germain Est et Saint-Germain Ouest…

Et voilà le fameux projet dit « des deux tours à 50 millions » en plein centre-ville, pour lequel le maire est prêt à donner « toutes les gouttes de son sang » (le maire vient d’être triomphalement réélu avec plus de 90 % des votes exprimées, mais ce qui est plus juste, avec 41,4 % des voix des électeurs inscrits sur la liste électorale).

Quels sont les arguments avancés pour justifier cette implantation en hauteur de 311 logements destinés à des personnes âgées? Il y en a trois qui ont été formulés publiquement, soit par le maire, soit par l’entreprise privée Réseau Sélection : le montant de l’opération, le développement du centre-ville et

la réponse à une demande pressante de logements par de nombreuses personnes du troisième âge.

Le montant de l’opération, 50 millions de dollars, est devenu le titre du projet! Au prix où les logements seront loués (on parle de 1 500 à 2 000 dollars par mois), cet investissement devrait être rentable rapidement; l’argent ainsi collecté s’en ira ailleurs, hors Rimouski, grossir les profits d’une entreprise qui possède de par le Québec une douzaine de ces bonnes affaires. La Grande Place, qui appartenait à 50 % à l’État, a été vendue on ne sait dans quelles conditions. La Ville a-t-elle prévu d’investir dans des travaux de voirie, d’approvisionnement en eau ou de traitement et d’évacuation des eaux usées?

En ce qui concerne le développement du centre-ville, on est loin du plan d’urbanisme existant; on va se trouver devant un véritable ghetto dans lequel les occupants seront isolés du monde et des autres générations. Les plans prévoient une piscine, alors qu’il y en a trois (Cégep, Paul-Hubert et Hôtel Rimouski) dans un faible rayon; un café-bar! cela ne manque pas dans le secteur; un coiffeur! ceux qui existent ne seraient-ils pas convenables? Comment le centre-ville pourra-t-il ainsi devenir un espace où « la population aimera vivre, circuler et travailler »?

Enfin, il serait intéressant pour la ville et son avenir d’interpréter ce que signifie la demande pressante d’une catégorie de la population de s’enfermer ainsi. On me dit qu’il ne s’agit pas d’enfermement, que les gens sont libres, qu’ils peuvent aller où bon leur semble… soit, mais l’histoire montre que rapidement on n’a plus envie de sortir du cocon, qu’on s’assoupit là, qu’on ne bricole plus (tiens, je n’ai pas vu d’atelier sur les plans), qu’on ne fait plus la cuisine (combien de recettes vont se perdre?) Bref, ce n’est pas pour rien que les hébergements collectifs de personnes âgées sont qualifiés de « mouroirs »!

« Depuis le dévoilement des grandes lignes du projet en septembre 2008, l’accueil et l’enthousiasme des citoyens de Rimouski envers le projet de Réseau Sélection sont exceptionnels. Il est à noter que déjà plus de 150 citoyens ont manifesté leur intérêt envers un des 300 logements prévus. La réponse de la population à notre projet dépasse nos attentes. Nous sommes très motivés et déterminés à en faire un développement immobilier exemplaire. » C’est ce qu’affirme Réseau Sélection sur son site web.

Les deux tours ne sont pas la seule exploitation du marché. La Villa Caroline devient la Villa des Générations pour offrir 277 appartements aux personnes âgées. Mais ce qui me choque le plus (et je ne suis pas le seul), c’est ce qui se passe autour des églises mises en vente.

Le 16 avril 2008, Radio-Canada rapportait : « Plusieurs paroissiens sont choqués de la vente imminente de trois des neuf églises de Rimouski. L’église de Saint-Yves du quartier Rimouski-Est, l’église de la paroisse Sainte-Odile et celle de la paroisse de Nazareth seront vendues au plus offrant. À Nazareth, le processus de vente a pris une tournure particulière lorsque le Cercle de l’Amitié, un organisme qui regroupe 1 000 personnes âgées de la région, a déposé une offre pour faire un centre de loisirs. L’organisme a offert la somme symbolique de 1 000 dollars, qui a été refusée. »

On prévoit toujours convertir l’église Saint-Yves, à Rimouski-Est, en résidence pour personnes autonomes, semi-autonomes et en perte d’autonomie. Le promoteur souhaitait transformer l’église en résidence de 30 chambres, mais voilà, les institutions financières n’accordent des prêts que pour des résidences de 50 chambres et plus… !

Le Bas-Saint-Laurent offre plus de 300 établissements à la clientèle âgée.

* L’auteur a écrit quatre ouvrages sur les questions du vieillissement

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