Champ libre

L’art d’être
 grand-père

Par Robin Servant le 2009/09
Champ libre

L’art d’être
 grand-père

Par Robin Servant le 2009/09

À 69 ans, Alain Gaba nous propose un premier album québécois, Grand Papa chante pour les grands. L’auteur-compositeur-interprète bas-laurentien d’adoption a en effet déjà enregistré un trente-trois tours et deux quarante-cinq tours en France. « Il a connu l’époque des vinyles », nous informe la pochette de la galette numérique qu’il nous livre cette fois. Autre temps, autre support.

Gaba a produit un véritable cru du pays, même s’il n’est au Québec que depuis cinq ans. Enregistré à Sainte-Luce au studio de l’anse et entouré de musiciens bien connus dans la région (Steeve St-Pierre, Lino Bélanger, Gabriel Dionne, Martin Roussel, etc.), l’album est à la fois élégant, léger et touchant.

Ce Grand Papa traite à travers les onze chansons de son album de différents aspects liés au vieillissement. Les tempes grises, L’inventaire, Qui tiendra ma main, les titres sont sans équivoque. Bien qu’elle soit présente, la nostalgie n’est pourtant pas dominante dans la palette émotionnelle de Grand Papa! La mémoire est pour lui un moteur, une courroie de transmission plutôt qu’une occasion d’éviter le présent. Regarder en arrière pour transmettre son expérience, peut-être est-ce là le credo de Gaba. « Je veux laisser une trace à mes petits enfants », chante-t-il dans La complainte du vieil homme. Il se méfie de l’histoire officielle, qui oublie l’individu et son histoire personnelle au profit des réussites des puissants. Lucide, il évoque sans complaisance le monde qu’il laisse à ses petits-enfants dans L’inventaire, en moins bon état qu’il l’a lui-même trouvé. Pleine d’humour, La berceuse de Grand Papa parle d’une chaise berçante qui berce les rêves au rythme des ronflements. Gaba ne se cache pas de ses influences, il leurs consacre d’ailleurs une chanson, Les tempes grises. Ce temps des cerises, de liberté où l’on écoutait de la musique tard dans la nuit. Grand Papa en profite pour s’entretenir avec les grands de la chanson, médiation qui en vaut bien une autre.

Les arrangements, que l’on doit à Martin Roussel, sont efficaces et élégants. Ils évoquent une certaine époque de la chanson française que d’aucuns qualifient de grande. On pense à l’anarchie joyeuse de Brassens, à Ferré, celui qui chante Aragon; on pense à Jean Ferrat, bien sûr, et on pense à ceux qui ont fait se rencontrer chanson et jazz léger. Entre une bossa, un tango et une valse, Grand Papa est bien habillé. Tout en finesse, l’enrobage musical porte des textes touchants où l’on trouve des perles telles que « Mon âme aura sa place au ciel des non-croyants », pour ne mentionner que celle-là.

Artiste engagé envers la relève, Gaba a choisi de verser deux dollars par album vendu à la fondation Héritage 2000 qui oeuvre pour le maintien et le retour des jeunes au Bas-Saint-Laurent. C’est sa manière de préparer le terreau pour la relève, celle de la musique et du territoire.

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