Avec la tenue des élections municipales dans l’ensemble du Québec en novembre prochain, le spectre du retour aux urnes au fédéral, une rentrée parlementaire animée par la réforme du régime forestier et le bras de fer annoncé dans le domaine de l’agriculture, et j’en passe, les prochains mois s’annoncent un régal pour les mordus de politique.
Et pourtant – peut-être est-ce dû au beau temps qui me fait loucher du côté des plaisirs simples ou encore au désir de laisser la parole aux artisans de la transmission –, je vous parlerai ici de théâtre!
Hey oui! Le Théâtre du Bic fête cette année son vingtième anniversaire et lance sa nouvelle saison sur le thème « 20 ans d’amours publics ». Seul diffuseur spécialisé en théâtre à l’est de la ville de Québec, l’organisme a grandement contribué à développer le théâtre de création dans la province, tout en offrant aux spectateurs une programmation de qualité, riche en expériences culturelles et artistiques nouvelles.
Rencontre avec Benoit Vaillancourt, directeur artistique du Théâtre du Bic.
La petite histoire
Fondé en 1989, le Théâtre du Bic est né d’une association entre la troupe du Théâtre Les gens d’en bas et la municipalité du Bic, alors à la recherche d’un projet culturel moteur.
Benoit Vaillancourt explique : « Il circulait très peu de théâtre de création à l’époque au Québec, à part ce que j’appelle « les humoristiques » productions estivales. Le premier défi que nous avons eu à relever a été de travailler à faire circuler le théâtre de création au Québec. Je suis donc parti avec ma petite valise pour tisser des ponts. J’ai fait une première association avec le Théâtre Périscope à Québec et le Théâtre La licorne à Montréal. Ça a fait tranquillement son chemin, d’autres se sont associés, et maintenant ça circule. »
Depuis le tout début, une des premières préoccupations du Théâtre du Bic est d’exposer les gens d’ici à des approches culturelles et artistiques nouvelles et diversifiées. Dès 1991, il accueille une production venant de la Colombie dans le cadre d’une entente avec le Festival de théâtre des Amériques. Depuis, de nombreuses productions en français, en anglais et en espagnol ont investi les planches, venant d’Australie, de Hollande, de France, de Belgique et de partout dans le monde.
Le Théâtre du Bic se veut un lieu de transmission, d’échange et de création. « Nous avons été les premiers au Québec à faire des résidences avec des gens de théâtre et des compagnies de danse. » Cette année, il reçoit les chorégraphes Estelle Clareton et Emmanuel Jouthe. Dans un contexte où l’on retrouve peu d’artistes professionnels dans région, l’organisme cherche à faire des gens qui passent des références par la tenue d’activités connexes. Rencontres publiques, ateliers, présentations scolaires, etc.
Une signature
Le Théâtre du Bic possède sa propre signature, empreinte d’humanité, d’intimité et d’introspection : « Une programmation, ce n’est pas l’addition de spectacles. C’est un être vivant. Chaque saison est un être qui respire, qui vit par les artistes qui sont sur scènes et par le public qui leur donne leur souffle. »
« Dans une salle comme ici, la compromission du public est complètement différente. C’est Marc Favreau qui adorait venir y jouer, parce qu’il disait que passer 400 personnes, on ne voit plus les yeux du comédien et que là, on est dans un autre spectacle. Alors ici, à deux cents spectateurs… Et c’est aussi pour ça que certaines choses viennent bouleverser et toucher le public alors qu’il voit des choses 80 fois pires à la télévision ou 10 fois pires dans une grande salle. Il n’y a pas de filtre. Les spectateurs sont directement compromis avec l’artiste sur scène, beaucoup plus interpelés et questionnés dans leurs convictions. »
Financement et médiation culturelle
Interrogé sur le financement dans le monde du théâtre, Vaillancourt relève le manque de vision comptable du gouvernement qu’en aux retombées réelles des investissements en culture : « Ce que je ne comprends pas, c’est que des gens qui travaillent avec des chiffres, comme des ministres des finances, par exemple, ne soient pas capables d’allumer sur le fait que les investissements en culture rapportent, dans le pire des cas, une à deux fois la valeur qui a été investie, et en général, de trois à huis fois. »
« Mais je pense que le système actuel et la façon dont fonctionne le Conseil des arts et lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada, même s’il n’est pas parfait, est encore la méthode la plus juste, la plus appropriée pour le développement des arts. Ce qui manque, c’est que ces institutions-là aient des sous pour intervenir. »
Quoique la transmission et l’échange soient au cœur de la mission de l’organisme, Vaillancourt note une certaine dérive autour de la notion de médiation culturelle. « À un moment donné, les artistes sont là pour être des artistes et avoir une production artistique. Certains ont le caractère qui leur permet de transmettre leur flamme, de transmettre leur passion. Mais c’est comme si, depuis quelque temps, ce qui est connexe devient la chose principale. On va financer davantage ce qui est axé sur la médiation culturelle, sur l’animation culturelle, plutôt que vers l’œuvre artistique. Pour moi, c’est une déviance. Que le ministère de l’Éducation se préoccupe de ce genre de chose, ça serait une grande avancée, mais que le ministère de la Culture trouve ça plus important que l’acte artistique, c’est inquiétant. »
Pour ses 20 ans, le Théâtre du Bic nous présente entre autres des productions du Théâtre de La Manufacture, de PPS Danse, des Nuages en pantalon, du Théâtre I.N.K., des Éternels pigistes, de Momentum/Usine C, de Danse Carpe Diem/Emmanuel Jouthe et du Théâtre Motus/Troupe Sô (Mali).
À souligner, la pièce Conte d’un indien urbain de la compagnie amérindienne Ondinnok présentée le 19 septembre, à 19 h 30.