Il n’est pas question d’être irrévérencieux envers les hommes et les femmes qui font de la politique; reconnaissons qu’il faut beaucoup de courage pour le faire, car c’est l’engagement de toute une vie. Est-ce que cet engagement suffit à garantir la compétence, ou bien est-ce un peu comme le « principe de Peter »? Un bon citoyen de base est-il obligatoirement compétent pour naviguer dans les arcanes du pouvoir? Faire aboutir un projet, on dit un « dossier » dans le monde politique, n’est pas une mince affaire dans notre système « démocratique » hiérarchisé!
Il y a depuis longtemps des revendications de « décentralisation » du pouvoir vers les régions. Pour envisager la décentralisation comme un progrès, il y a des conditions : que des mesures soient prises pour que le pouvoir ne se retrouve pas dans les mains des petits chefs locaux qui l’assumeront sans partage, et pour que les demandes, les points de vue, les critiques de la population soient officiellement prises en compte. À une décentralisation du pouvoir, j’opposerais une centralisation des aspirations profondes de la population, ambition beaucoup plus démocratique à mon sens.
Il y a aujourd’hui une revendication de plus en plus forte pour que les préfets de MRC soient élus au suffrage universel. Soit. Mais on devrait dans un même temps interroger le fonctionnement du pouvoir en région. Dans une MRC, si une ville accueille plus de 50 % de la population, elle a un droit de veto sur toutes les décisions, qu’elles soient d’ordre politique ou structurel. On peut imaginer que l’annexion de petites municipalités par la grosse ville assoit solidement le pouvoir de celle-ci, d’autant que ces petites municipalités ne se verront représenter que par un seul conseiller.
Ainsi, les habitants du Bic, représentés jusqu’alors par un conseil municipal de sept membres, vont l’être maintenant par un seul conseiller au sein d’un conseil formé de onze personnes – dont une seule femme, soit dit en passant! –, de la même façon que Sainte-Blandine et Mont-Lebel.
Maintenant à la Conférence régionale des Élus (CRÉ), dont les réunions ne sont pas publiques, les municipalités de moins de 5 000 habitants ne sont pas présentes!
Décentralisation? Soit. Élection au suffrage universel des préfets? Soit. Mais c’est le fonctionnement du pouvoir régional qui doit être modifié pour que le citoyen rural ou urbain soit entendu et respecté. Et ce n’est pas la volonté de redessiner la carte électorale en supprimant des comtés ruraux sur la base du nombre de citoyens qui va y contribuer.
On constate que la majorité des lois et des règlements est dictée par et pour des urbains au détriment des ruraux. Un exemple anecdotique, mais très signifiant, m’a été rapporté par une responsable politique locale : « Je me suis battue pour qu’on puisse avoir des fermettes dans notre village : trois ou quatre poules, deux ou trois lapins […] on a la place pour ça, mais des règlements nous l’interdisent, c’est à la limite du comique! »
DÉVITALISÉES! 42 municipalités sont déclarées « dévitalisées » dans la région du Bas-Saint-Laurent, selon des critères socioéconomiques.
Le gouvernement du Québec a mis en place un plan qui prévoit l’allocation de 38 millions de dollars sur cinq ans, soit 7,6 millions en moyenne par année. Pour mesurer la valeur de l’effort consenti, nous pouvons faire une comparaison avec les 200 millions investis par mois en Afghanistan par le gouvernement fédéral. Ce n’est donc pas une question de richesse, mais bien une question de choix!
Le gouvernement du Québec donne les conditions dans lesquelles ce financement sera utilisé; le volet 5 du plan est surprenant :
« V. et, enfin, financement de projets relatifs au maintien et au développement des services de base pour la population d’une municipalité dévitalisée ainsi que l’achat d’équipement pour permettre aux municipalités de se conformer aux normes gouvernementales, notamment en matière d’environnement et de sécurité incendie. »
Il ne donne pas les clefs d’une politique qui permettrait de modifier la situation. D’ailleurs, il est habitué à ne pas faire de politique, ce gouvernement et son vrai projet, c’est de gérer impôts et taxes au profit du libéralisme, en édictant des normes auxquelles les petites municipalités rurales ne peuvent pas se conformer faute de moyens financiers.
Nous sommes aujourd’hui dans un système qui se préoccupe de ses institutions, mais plus guère de ses habitants.