Le cinéaste, écrivain et pamphlétaire Pierre Falardeau était de passage au Cégep de Rimouski le lundi 18 mai dernier, Journée nationale des Patriotes. Invité dans le cadre du cours Les courants cinématographiques offert aux étudiantes et aux étudiants en formation complémentaire, Pierre Falardeau est venu présenter son film 15 février 1839. Par la suite, il a participé à un échange nourri avec des jeunes impatients de rencontrer le célèbre réalisateur. J’ai profité du passage chez nous du créateur des films Octobre, Le party, Le temps des bouffons, et de la série culte des Elvis Gratton, pour discuter avec lui de son implication sociale et politique.
Alain Dion – Pourquoi est-ce si important pour toi de venir rencontrer des jeunes, d’échanger avec eux, au-delà de ton implication artistique?
Pierre Falardeau – Quand on était jeunes, il y a des gens qui se sont occupés de nous, qui sont venus nous parler, nous expliquer, nous déniaiser. Aujourd’hui, c’est nous qui sommes rendus vieux et c’est à notre tour de faire notre bout. Tu sais, il y a un côté qui me fait plaisir dans le fait de sortir de Montréal, car souvent dans nos vies, on est toujours dans les mêmes petits sentiers. Et là, ça me permet de sortir du sentier. Et j’aime profondément le Québec. J’aime ça sortir, voir d’autres sortes de monde, toutes sortes de paysages. Le Québec, je l’aime physiquement. Aller au Saguenay en hiver, voir la neige sur les montagnes; dans le Bas-du-fleuve, les îles du Bic, le fleuve. Moi, ça me fait du bien, ça me rend de bonne humeur.
Et en rencontrant des plus jeunes, en les encourageant, tu t’encourages toi-même. Finalement, c’est à toi que ça rend service. Souvent, les jeunes me remercient, mais ils ne savent pas qu’eux autres aussi m’ont donné quelque chose : leur enthousiasme, leur jeunesse. Tout ça m’empêche de développer trop de cynisme, le cynisme du monde de mon âge. Il faut transmettre le peu qu’on a appris. Si ça peut servir…
A.D. – Lors de la rencontre d’hier, les jeunes, mais aussi les moins jeunes, étaient très attentifs, très curieux. Il y a donc un réel désir, un besoin d’entendre des voix différentes, des voix autres que celles toujours véhiculées dans nos médias. Et le projet d’indépendance semble les intéresser particulièrement.
P.F. – Souvent, on entend les gens à Radio-Canada nous marteler que tout ça, c’est fini, que l’indépendance n’intéresse plus personne. Mais que ces gens-là sortent de leur bureau! Moi, depuis 1992, je fais le tour du Québec, je vais dans les écoles. Parfois, je parle à deux, trois cents jeunes qui m’écoutent, qui saisissent ce que je leur raconte. Ils ne m’envoient pas promener. Je ne me sens jamais off. Jamais, jamais, jamais. Des fois, je croise des jeunes punks ou des gars de bicycle sur la rue à Montréal qui m’interpellent en me disant : « Monsieur Falardeau, j’ai lu votre livre, c’est magnifique! ». C’est drôle parfois de constater tout le monde que l’on rejoint. C’est ça le peuple, toutes sortes de monde!
A.D. – Est-ce que tu sens comme un devoir de jouer ce rôle? De t’impliquer de cette manière?
P.F. – Tu sais, on vient tous au monde quelque part et à un moment donné. Moi, je suis venu au monde au Québec, en 1946. Et lorsque je suis arrivé à l’adolescence, la lutte pour la libération du Québec reprenait. Je me suis donc impliqué. Il faut que tu t’impliques. Il faut que tu te battes dans ce qui existe. Le gars qui est né en Palestine et qui ne s’occupe pas de la lutte pour la libération, ou le Noir né dans le ghetto de Harlem qui ne se bat pas pour la cause des Noirs, ce sont des minables. Moi, j’essaie juste de faire ma part. Je ne me sens pas nécessairement responsable. Mais en même temps, c’est l’fun! C’est pas juste un devoir, ça rend la vie plus agréable. C’est plaisant d’appuyer une manifestation, de savoir que le lendemain ce sera repris dans le journal. Pas pour toi, mais pour la cause!