Société

Gaston Lagacé : 30 ans d’organisation communautaire au Kamouraska

Par Sarah Charland-Faucher le 2009/07
Société

Gaston Lagacé : 30 ans d’organisation communautaire au Kamouraska

Par Sarah Charland-Faucher le 2009/07

L’implication citoyenne, Gaston Lagacé en a fait un véritable mode de vie depuis longtemps. Originaire de Estcourt (Pohénégamook) au Témiscouata, il s’est installé au Kamouraska au milieu des années 70, lorsqu’il a commencé à travailler comme organisateur communautaire dans ce que nous appelons aujourd’hui le CSSS. Plus de trente ans d’implication dans la région lui ont donné une solide expérience qu’il fait bon de partager.

L’implication citoyenne n’est pas une science

Rencontré dans un café de La Pocatière, Gaston Lagacé ne veut pas jouer à l’expert. L’implication citoyenne est une expérimentation sociale, on ne peut pas lui coller de définition scientifique. Néanmoins, il tente le jeu : « la participation citoyenne, c’est lorsque les gens ont la possibilité d’influencer les décisions qui se prennent, de s’exprimer et de prendre parti sur les choses qui conditionnent leur vie, leur entourage, leur environnement. C’est une appropriation de l’environnement dans lequel on habite qui nous amène à améliorer notre qualité de vie et à nous préoccuper de ce qui nous entoure. Tout bénévolat est une implication citoyenne valable visant à rendre service à des individus ou à une communauté, mais je privilégie les implications qui ont une influence significative sur la gouvernance de nos milieux. »

Médias et éducation : germes de l’intérêt citoyen

Comment en arrive-t-on à dédier une grande partie de sa vie à la mobilisation de ses concitoyens et à l’organisation communautaire, comme Gaston Lagacé l’a fait? Comment naît ce germe qui nous pousse à prendre notre place en tant qu’acteur dans la société?

Ayant grandi dans un très petit village, Gaston se rappelle : « les jeunes qui m’entouraient étaient portés à qualifier notre village de «trou» et souhaitaient partir vers des horizons plus divertissants. Ce fut la première fois, de mémoire, que je me responsabilisai face à la société, en me disant “si la vie est plate ici, ça ne dépend que de nous et de notre investissement pour faire en sorte que les choses soient différentes”. »

Ce sont toutefois ses implications scolaires et ses lectures qui ont consolidé sa passion pour la mobilisation citoyenne et l’organisation communautaire. Appelé à s’impliquer comme responsable de classe, dans son association étudiante et dans un cercle civique de discussion, il a pris goût au sentiment de satisfaction généré par l’implication et le travail d’équipe. « C’est à cette époque que j’intégrai le dicton seul on va plus vite, mais à plusieurs on va plus loin

À l’époque, il lisait régulièrement les dépêches sur les mouvements citoyens de Montréal ou de Québec. Elles lui permirent de prendre conscience d’une chose très importante : lorsque les citoyens se mettent ensemble, ils réussissent à obtenir des changements et à orienter les décisions politiques. Les régions plus éloignées des grands centres devaient aussi s’organiser dans ce sens.

Les temps changent

« Avant, on tenait pour acquis que le développement ne dépendait pas de nous autres et qu’on n’y pouvait rien, comme s’il s’agissait d’une fatalité de la nature ou de notre société. Si des usines et des fermes fermaient leurs portes, il n’y avait pas grand-chose à faire contre cela », raconte Gaston. Toutefois, « les temps changent, affirme-t-il gaiement, et le sentiment de pouvoir influencer les décisions et le cours de la vie a repris le dessus. Cependant, comme les acteurs sont devenus nombreux, les résultats sont plus difficiles à obtenir ou le crédit relié à notre investissement est parfois dilué puisque des acteurs au-dessus de nous ont parfois d’autres intérêts par rapport à notre développement », croit l’organisateur social maintenant retraité. Selon lui, il faut aujourd’hui s’intéresser aussi aux règles et aux politiques qui dictent notre façon de nous développer, et c’est ce qui est le plus difficile pour beaucoup de gens. « Les gens n’ont peut-être pas toutes les compétences pour savoir comment faire survivre leur milieu dans la conjoncture actuelle, mais l’intérêt est bien présent. Il ne manque plus qu’à s’outiller », affirme Gaston.

Comité de développement et Déjeuner de Solidarité rurale

Dans ce monde où les acteurs sont nombreux et le système d’organisation relativement complexe, comment doit-on s’y prendre pour favoriser la participation citoyenne?

C’est une question à laquelle Gaston Lagacé a répondu toute sa vie en participant à la création de comités de développement locaux et aux déjeuners de Solidarité rurale dans la MRC de Kamouraska. Ces déjeuners, nés en 1991 à la suite des États généraux du monde rural et de la mise sur pied d’un groupe de Solidarité rurale dans le Kamouraska, ont permis – et permettent toujours – à des gens ayant le développement local et rural à coeur de partager leurs points de vues sur différents sujets. « C’est excessivement important afin que les idées circulent du bas vers le haut et non pas le contraire », ajoute Gaston. Les comités de développement, pour leur part, sont nés à la suite de la mise en place de la politique nationale de la ruralité. L’arrivée des centres locaux de développement (CLD) et de la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) a permis à plusieurs de prendre leur essor et d’en créer là où ils étaient inexistants. Pour Gaston qui les a vus naître, il est très important que ces comités ne deviennent pas des commissions locales de développement gérées par le conseil municipal en laissant tomber la dimension de la mobilisation citoyenne : « Il est évidemment plus facile de travailler comme substrat du conseil que d’avoir à mobiliser et consulter la population. Pourtant, cela est essentiel si on veut développer la capacité de réflexion des gens afin qu’ils soient capables d’exercer des actions d’influence qui amènent des impacts significatifs. »

Développer la capacité de réflexion et d’analyse

Tout au long de sa carrière, Gaston Lagacé a tenté de multiples façons de susciter la réflexion collective sur différents sujets et ainsi de développer la capacité d’analyse des gens. « La formation et l’éducation populaire sont essentielles afin que les citoyens au sein des comités de développement aillent au-delà de l’aménagement d’un parc, par exemple. C’est, bien sûr, une action merveilleuse, mais le développement d’une communauté ne doit pas s’arrêter là. Les déjeuners de Solidarité rurale et les activités de formation pour les comités de développement sont donc d’une grande importance pour en arriver à des actions plus articulées. À travers l’expérience et la formation qu’ils acquièrent au sein de leur comité, des gens «ordinaires» prennent conscience qu’ils peuvent avoir une influence durable sur leur qualité de vie. Cette prise de confiance en leurs compétences et l’espoir qu’elle génère est un indice qui me permet de croire que des choses sont en train de changer dans les communautés. »

« La population, contrairement à ce qu’on rapporte régulièrement, n’est pas obnubilée par les questions économiques. Les gens sont conscients de l’ensemble des aspects importants présents dans leur milieu, et la participation citoyenne permet la promotion de ceux-ci, comme les services de garde, les résidences pour personnes âgées et la qualité de l’environnement. »

Fort de ses convictions, Gaston Lagacé croit qu’il y a une prise de conscience massive actuellement au Kamouraska, tout comme au Québec. Selon lui, les milieux ruraux ne peuvent pas attendre éternellement des solutions venant de l’extérieur, ils doivent se prendre en main. « Il reste maintenant à convaincre les gens qu’on ne peut pas seulement s’attarder à des solutions localisées. Il faut aussi oser influencer les sphères publiques de façon plus globale. »

Presque deux heures ont passé et la discussion avec Gaston Lagacé aurait pu durer encore longtemps. Le feu brille dans les yeux de celui qui s’enthousiasme de chaque petit pas accompli au fil des diverses expériences de mobilisation citoyenne. « On a quelque peu accepté dans les petits villages que les grands foyers d’emplois ne soient pas chez nous et qu’ils se concentrent davantage à La Pocatière et Saint-Pascal. On ne cherche plus autant à attirer l’usine ou la fabrique comme on le cherchait tant il n’y a pas si longtemps. Nos milieux existent sans elles et on peut miser sur l’implication citoyenne pour améliorer nos vies de multiples façons. On s’attarde maintenant aux autres facettes du développement, au bien-être de la communauté et à l’amélioration de la qualité de vie. » Être présents et actifs afin de susciter les échanges, d’outiller et de former les gens, est un défi collectif auquel les communautés font face. À voir les yeux de Gaston Lagacé, l’espoir de voir les gens se relever les manches pour y arriver est toujours bien vivant.


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