Champ libre

Remettre à maintenant

Par Marise Belletête le 2007/11
Champ libre

Remettre à maintenant

Par Marise Belletête le 2007/11

J’ai toujours vu le musée comme un ensemble de pièces à réfléchir où la seule ressource nécessaire est le temps. Le temps de le parcourir. Après avoir passé un moment au Musée régional de Rimouski, je vois bien que la dimension temporelle est aussi la base de l’exposition Maintenant de Claire Savoie qui y a tenu l’affiche tout l’été jusqu’au 9 septembre, et qui, de ce fait, a réclamé à son tour un temps de visite et de contact visuel.

Pour nous faire part de leur vision du monde, plusieurs artistes contemporains misent sur un canal qui nous permet justement de visionner le monde, la sacro-sainte télé. Confronter directement ce moyen de communication et d’information quotidienne à l’art, c’est aussi montrer comment il s’est intégré en nous et nous définit parfois, nous mettant principalement en vedette. L’installation de Claire Savoie est composée d’écrans, disposée de manière intime. À chacun sa chaise et son casque d’écoute pour se recueillir. Ces moniteurs isolés, où courent des images, des sons et des bribes de textes disparates mais réunis, provenant de jours isolés, maintiennent cette insistance sur le découpage qui nous occupe gravement. Comme une sorte d’étiquette, la bande sonore consigne une journée. Une journée découpée, photographiée et vécue.

S’inspirant d’On Kawara1, comme elle le révèle elle-même, ces date-vidéos sont comme une chaîne où tout est point de partance et point de retour. La procédure du glissement est intéressante; des citations et des dates coulant sur des images comme un bulletin de nouvelles périmées dans le temps. À la fois mouvement de l’œil et document d’archives, la technique veut que chaque jour, Claire Savoie se soit évertuée à produire ces petites séquences, comme des notes que d’autres auraient consignées dans un cahier. Cette exposition propose une partie de son œuvre, dont le travail a d’abord été dévoilé à la galerie Vox, à Montréal. S’attardant à plusieurs de nos sens, elle devient une douce prise de conscience sur la matière temporelle : l’occupation de notre temps et les moments, ceux qui se gravent dans nos mémoires et ceux qu’on laisse partir vers l’oubli.

Offrant un véritable décalage et un profond ancrage en soi, l’artiste nous propose une certaine déconnexion extérieure pour se rapprocher de ces pièces à conviction d’un moment présent et passé à la fois. Dans ce qu’elle a de singulier, elle nous touche, donnant la possibilité aux médias, véhicules du quotidien, de conduire le maintenant bien au-delà de son temps éphémère et insaisissable en gravant les instants dans une visite qui, justement, se revisite. Moyen de branchement, de connexion avec le public, l’exposition qui se veut intime devient universelle. Une vision d’aujourd’hui, de notre temps, comme un regard posé pour qu’on y pose le nôtre.

Bref, elle donne le goût d’observer autour de soi, en revisitant l’instant et ses multiples facettes.

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Notes:

1. On Kawara est un artiste conceptuel originaire du Japon qui rend compte de l’écoulement du temps dans ses œuvres, à la manière d’un décompte. Chaque jour, depuis la fin des années soixante, il peint la date sur une toile, n’y consacrant donc pas plus de 24 heures, et conserve avec elle une coupure de presse de la journée.

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