Champ libre

On the road,
 entre Lowell
et et Trois-Pistoles

Par Annie Landreville le 2007/11
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Champ libre

On the road,
 entre Lowell
et et Trois-Pistoles

Par Annie Landreville le 2007/11

Quand le contrebassiste Normand Guilbeault s’intéresse à Mingus, on se dit que ça va de soi, les deux parlent le langage de la musique. Son plaidoyer pour Louis Riel a surpris et maintenant, c’est autour de l’œuvre de Kerouac qu’il mène ses musiciens.

De Riel à Kerouac, y a-t-il un lien entre ces deux hommes, entre le métis francophone et le fils de Québécois exilés aux États, métis d’une culture hybride, Kerouac n’ayant appris l’anglais qu’à l’âge de six ans? « Non, mais c’est vrai qu’on peut faire le rapprochement. Comme Mingus, ce sont des personnages plus grands que nature. C’est ce qui m’attire, ce sont des hommes qui brassent la cage, qui apportent des idées. Pour Mingus, c’est évidemment en musique; pour Riel, c’est du côté de la politique. Et Kerouac s’inscrit dans tout ça. C’était quelqu’un de visionnaire, lui aussi. Sa quête d’identité est intéressante. Il est tellement bien assimilé qu’il est parvenu à mieux maîtriser l’anglais que plusieurs anglophones et, d’un autre côté, il revient souvent dans son œuvre à ses racines, à sa famille.Qu’on pense seulement au souvenir marquant de son frère Gérard, à qui il a consacré un livre, ce frère qui est mort alors qu’il n’avait que quatre ans… C’est un personnage aux multiples facettes. Ça fait cinq, six ans que je m’y intéresse.»

Et c’est presque par hasard qu’il a découvert l’écrivain. Avec le pianiste Pierre Saint-Jack, il a accompagné longtemps des écrivains dans des lectures publiques, à l’occasion du Festival international de littérature de Montréal. On lui demandait s’il connaissait Kerouac… En bon jazzman à qui on lance un accord, il a saisi la note au vol et a développé le thème. Ce qu’il a appris du personnage l’a rapidement intéressé.

« Ce qui m’a fasciné, dans mes recherches, c’est d’entendre Kerouac. Il a laissé des enregistrements de proses et de poèmes. La première fois que j’ai entendu ça, moi, j’entendais de la musique. Parce que le rythme, le débit, les tons qu’il choisit, sa voix, vraiment, tout ça a quelque chose de très musical; ça swingue! Alors je me sers de ces éléments-là en concert. Dans ses romans, il y a aussi des moments qui vont bien avec la musique. Dans les extraits que j’ai choisis, j’ai essayé de faire des liens. Kerouac a déjà dit que ses livres étaient autobiographiques. Il fallait mettre la musique au service des mots, elle est importante, oui, mais comme soutien à ces textes-là. J’ai peu de compositions, mais j’ai pigé dans le répertoire des standards de jazz et même chez Sinatra. Peu de gens le savent, mais Kerouac a laissé des enregistrements de chansons, il avait une belle voix et il chantait de cette façon, un peu crooner. Il aimait beaucoup Frank Sinatra! J’ai aussi puisé dans le be-bop, parce qu’évidemment, cette musique l’a inspiré; Parker, Gillespie et Monk sont des musiciens qui ont non seulement été déterminants, mais qui apparaissent aussi dans son œuvre. »

Normand Guilbeault a bien fait ses devoirs. Il a lu, digéré, réfléchi aux mots de Kerouac. Il s’est rendu à Lowell, au Massachussets, ville où Kerouac a grandi, à l’instar de nombreux Canadiens français qui prenaient la route du sud dans l’espoir d’une vie meilleure. Il a rencontré là-bas des gens qui l’ont connu, qui ont connu la famille. Qui lui ont fait visiter les lieux, comme la petite église où on a célébré les funérailles de son frère. Sur un feuillet à l’église, il a trouvé le texte d’une chanson qu’on avait chantée à ces funérailles. Elle fait partie du spectacle.

Il est retourné à Lowell le 7 septembre dernier, alors qu’on célébrait les 50 ans de la parution de On the road. « C’était très émouvant, un moment exceptionnel que je n’oublierai jamais. Des Québécois qui débarquent là-bas, invités à un événement aussi grandiose! On y a donné une des plus belles versions de ce concert, c’était très inspirant, magique! »

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